La visite d’État en Chine du président français Emmanuel Macron| Photos

L’élection de Macron, que signifiera-t-elle pour la Chine ?

2017-06-01 14:43

 

Emmanuel Macron a obtenu 23,11 % des voix au premier tour de l'élection présidentielle.

 

ZHENG RUOLIN*

Emmanuel Macron a accédé au poste de président de la République française le 14 mai.

Ce qui est à noter, c'est l'attention que l'opinion chinoise a prêtée à cette présidentielle. Je n'avais jamais vu cela en plus de trente années de carrière de journaliste. L'avalanche d'articles publiés dans la presse a même rattrapé les reportages sur l'élection de Donald Trump. Les chaînes de télévision lui ont consacré de nombreux dossiers, organisé des débats, et j'ai participé à plusieurs d'entre eux, sans compter les conférences données dans les universités chinoises. Demandez à un passant le nom du nouveau président français, sa réponse vous surprendra. Les médias ont transmis toutes les informations sur Emmanuel Macron, jusqu'au moindre détail, au public chinois. Bien sûr, certains propos étaient absurdes et ont fait rire les Chinois. Par exemple, le nom chinois de Macron, « Ma Ke Long », peut signifier « le cheval affrontant le dragon », ce qui déplaît à certains. En réalité, si beaucoup de Chinois, en particulier dans la jeune génération, se sont intéressés à la présidentielle, cela est en rapport avec le jeune âge du nouveau président, son côté beau et cool, son mariage hors du commun, mais encore plus pour sa connaissance de la Chine et sa vision convergente dans une certaine mesure avec le pays.

Dans le journal Le Parisien du 2 mars dernier, Macron a déclaré être « maoïste ». Cette nouvelle s'est immédiatement répandue sur Internet et a grandement surpris les « maoïstes » chinois. Il a également repris à son compte une citation de Mao Zedong : « Un bon programme est un programme qui marche. » La célèbre phrase de Deng Xiaoping a aussi été reprise par Macron : « Peu importe qu'un chat soit blanc ou noir, tant qu'il attrape des souris. »

Les gens aiment toujours ceux qui les aiment, n'est-ce pas ? En contraste avec François Hollande qui n'était jamais venu en Chine avant son élection à la présidence, Emmanuel Macron connaît bien l'histoire chinoise et s'y intéresse beaucoup. C'est un avantage. De plus, il est considéré comme « le Deng Xiaoping français » par certains. Ils estiment qu'il pourrait vraiment appliquer des réformes pour conduire la France à sortir de sa situation économique difficile.

 

La cérémonie de passation de pouvoir entre François Hollande et Emmanuel Macron, le 14 mai 2017

 

Personnellement, je pense aussi que l'élection de Macron est une bonne nouvelle pour la Chine.

D'abord, comme tout le monde le sait, le second tour a été un duel entre le candidat Emmanuel Macron, du mouvement En marche « ni de droite, ni de gauche », et la candidate Marine Le Pen du Front national d'extrême droite. Il n'est pas clair si le parti de Marine Le Pen est trop à droite ou s'il s'agit d'un parti normal avec lequel on peut conduire des échanges. C'est une question de politique intérieure de la France. Mais on sait que Le Pen s'oppose fermement à l'UE et à la mondialisation, préconise le protectionnisme et la sortie de la France de l'Accord Schengen… Tout cela est différent des politiques économiques de la Chine. La Chine et Macron ont des idées similaires sur de nombreux sujets comme la mondialisation, l'intégration européenne et le renforcement du commerce bilatéral.

Deuxièmement, lorsque Macron était ministre de l'Économie, la France et la Chine ont signé un gros contrat avec la cession d'une partie des droits de l'aéroport de Toulouse, un projet soutenu par Macron. Dans plusieurs débats télévisés, j'ai constaté qu'il était clairement en faveur de l'ouverture aux capitaux chinois. Il faut dire que Macron était l'un des candidats qui connaissait bien assez la Chine. À l'exception de Mélenchon, Fillon, Cheminade et Asselineau, qui ont une connaissance relativement profonde sur la Chine, d'autres défendaient des points de vue étranges, voire ridicules, à l'image de Nicolas Dupont-Aignan, candidat de Debout la France qui s'est ensuite aligné sur le Front national. Il a répété lors des élections qu'il s'opposait aux importations chinoises parce que « la Chine copie toutes les marques dans sa société esclavagiste pour faire une concurrence déloyale à la France ». Quiconque ayant visité la Chine verrait immédiatement qu'il n'en est rien ! Mais le problème est que la plupart des Français n'ont pas eu l'occasion de voir la Chine de leurs propres yeux. Heureusement, Marine Le Pen n'a pas été élue, sinon nous aurions eu un premier ministre français ne connaissant rien à la Chine et en ayant vision déformée ainsi que des préjugés profonds vis-à-vis de celle-ci. (Le Pen a déclaré que si elle était élue, Nicolas Dupont-Aignan serait nommé premier ministre).

Troisièmement, Macron a une forte capacité à étudier, et fait preuve de sagesse et d'esprit politique. Il est l'un des seuls candidats à avoir accordé une interview aux médias chinois. Il est le seul homme politique français qui a rendu visite aux membres de la famille du Chinois Liu Shaoyao, tué par un policier français. Une semaine après son élection, il a envoyé l'ancien premier ministre français Jean-Pierre Raffarin participer en titre de représentant spécial au Forum de « la Ceinture et la Route » pour la coopération internationale, qui s'est tenu les 14 et 15 mai à Beijing. Tout indique qu'il est un homme politique à la fois souple et ferme, avec lequel les Chinois aimeront discuter.

Quatrièmement, Macron soutient fermement la mondialisation et le libre-échange, ce qui correspond à la position chinoise. On le dit intéressé par l'initiative chinoise des Nouvelles Routes de la Soie, et en faveur de l'AIIB et de l'internationalisation du yuan.

Bien sûr, nous devons reconnaître que la Chine a été peu évoquée durant cette élection présidentielle. Les candidats ont discuté de Donald Trump, de Vladimir Poutine, mais peu de la Chine. Le premier partenaire commercial de l'UE semblait peu compter. Deux raisons peuvent expliquer cet étrange état de fait. Premièrement, la connaissance des hommes politiques français sur la Chine reste cantonnée à la première décennie du XXIe siècle, ils la voient comme une « usine du monde ». Deuxièmement, ils portent des préjugés profonds contre la Chine, et ont évité « les sujets qui fâchent ». Mais ces deux points, semble-t-il, ne s'appliquent pas à Macron. Je pense qu'il pourra montrer aux Français que le renforcement des échanges avec la Chine est avantageux pour la France. La Chine, qui a beaucoup changé ces dernières années, possède un immense marché, une grande capacité d'investissement et des techniques de pointe. Il est certain que sa coopération avec la France pourra être mutuellement bénéfique.

Bien sûr, je sais que l'intérêt national est la première priorité pour les politiciens. Durant la campagne électorale, Macron a dit clairement que sur le plan économique, la Chine représente une menace pour la France. Quand il était le ministre de l'Économie, il a rejoint la lutte de l'Europe contre le « dumping sidérurgique chinois ». Il est normal qu'un responsable politique défende les intérêts de son pays. Il y a un dicton diplomatique chinois : gagnant-gagnant. La coopération gagnant-gagnant est un objectif que la Chine poursuit sans cesse. Est-ce que la France dirigée par Macron y répondra activement ? Nous verrons.

 

*ZHENG RUOLIN est un ancien correspondant à Paris du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai et l'auteur du livre Les Chinois sont des hommes comme les autres aux éditions Denoël.

 

 

La Chine au présent