Les Nouvelles Routes de la Soie, une voie commune| Reportages exclusifs

Le chemin de fer Addis-Abeba–Djibouti sert de locomotive à l’interconnexion en Afrique de l’Est

2017-02-27 15:08

 

Essai global de la locomotive électrique sur le chemin de fer Addis-Abeba—Djibouti, le 15 août 2016

 

LU RUCAI, membre de la rédaction

 

Le 5 octobre 2016, la ligne ferroviaire Addis-Abeba–Djibouti a été officiellement inaugurée à la gare de Feri-Labu en Éthiopie. Construite par China Railway Group et China Railway Construction Corporation, elle relie la capitale de l'Éthiopie et le port de Djibouti, le plus grand port moderne d'Afrique de l'Est.

 

« Chemin de fer Tanzanie-Zambie de la nouvelle époque »

 

En tant que directeur général du projet de la ligne Addis-Abeba–Djibouti de China Railway Group, Fu Xun est arrivé en Éthiopie en 2012 pour les travaux préparatoires. Il est ainsi un témoin privilégié du projet dans son intégralité, allant de la préparation à l'achèvement, en passant par tout le déroulement du chantier.

 

« Cette ligne permet de réduire à dix heures le temps de trajet entre Addis-Abeba et Djibouti, contre sept jours de transport routier dans le passé », explique M. Fu. Diplômé en 1985 en ingénierie ferroviaire à l'Institut des chemins de fer de Changsha (l'actuelle université du Centre-Sud de la Chine), Fu Xun a toujours été en première ligne de la construction ferroviaire de la Chine. Il ne se rappelle plus exactement le nombre de lignes ferroviaires dont il a participé à la construction au cours des trois dernières décennies. Pourtant, la ligne Addis-Abeba–Djibouti compte parmi ses projets les plus mémorables et qui lui ont procuré la plus grande fierté.

 

Selon Fu Xun, cette ligne ferroviaire, d'une longueur totale de 752,7 km avec 45 gares desservies, a été conçue pour supporter une vitesse de 120 km/h. Avec un investissement total de quatre milliards de dollars, elle est la première à être construite hors de Chine par des entreprises chinoises avec une chaîne industrielle complète en utilisant exclusivement les standards et équipements chinois. Les entreprises chinoises qui ont participé au projet étaient issues de différents secteurs : la Banque chinoise d'import-export a accordé un prêt, China Railway Group et d'autres entreprises étaient chargées de l'ingénierie, l'approvisionnement et la construction, China International Engineering Consulting Corporation était responsable de la consultation et de la surveillance…

 

La ligne ferroviaire Addis-Abeba–Djibouti, en tant que deuxième chemin de fer transnational construit par la Chine en Afrique après celui de Tanzanie-Zambie, a reçu le surnom de « chemin de fer Tanzanie-Zambie de la nouvelle époque ». Mais en fait, il s'agit principalement ici d'un projet à caractère commercial qui fonctionne selon les règles du marché, à la différence du chemin de fer Tanzanie-Zambie construit dans les années 1970 grâce à l'assistance du gouvernement chinois.

 

Au moment où l'Éthiopie décidait la construction d'une nouvelle ligne ferroviaire, des experts suisses, australiens et d'autres pays occidentaux avaient été invités à présenter leurs propositions. Suite aux inspections, ils ont partagé le constat qu'équiper l'Éthiopie d'un chemin de fer électrifié était une mission impossible en raison de ses infrastructures et services complémentaires arriérés. En outre, sur le plan technique, ils trouvaient difficile la construction d'un chemin de fer électrifié entre Djibouti, situé au niveau de la mer, et les plateaux d'Éthiopie, d'une altitude moyenne dépassant 2 500 m.

 

Dans ces circonstances, China Railway Group a pris l'initiative de se mettre en contact avec l'Éthiopie. Les ingénieurs de Railway Erju Co., Ltd et de China Railway Eryuan Engineering Group Co., Ltd y ont alors été envoyés pour étudier l'environnement géologique et hydrologique le long du parcours du futur chemin de fer. Ils ont résolu nombre de problèmes techniques épineux grâce à leur riche expérience en matière de construction des chemins de fer et ont fini par remporter les contrats d'ingénierie, d'approvisionnement et de construction, suite à la remise d'un rapport d'études de faisabilité de haute qualité et d'un projet de conception préliminaire à Ethiopian Railway Corporation.

 

Au cours de la construction, malgré la pénurie matérielle, la longue période de transport des équipements importés, les mauvaises conditions médicales, la barrière linguistique, les mœurs et coutumes différentes, les constructeurs chinois se sont frayé un chemin alors qu'ils se trouvaient face à une montagne et ont érigé un pont pour traverser une rivière. Résultat : un autre miracle accompli dans la construction des chemins de fer, c'est-à-dire, seulement 48 mois depuis la mise en chantier jusqu'à l'ouverture au trafic, dont 13 mois pour l'installation des rails en acier.

 

Formation du personnel ferroviaire avant la mise en service de la ligne

 

Les habitants locaux sont gagnants

 

Auparavant, l'Éthiopienne Iman n'avait jamais pris le train. Mais après la mise en service de la ligne Addis-Abeba–Djibouti, elle servira les passagers en tant que chef du personnel du train sur la première ligne ferroviaire électrifiée du continent africain. Toute la famille en est fière.

 

Iman nous a confié que son frère, ingénieur, avait été engagé en 2013 dans le projet de la ligne Addis-Abeba–Djibouti pour la topographie. Elle a donc décidé de trouver un boulot lié au chemin de fer à l'instar de son frère. Après la fin de ses études universitaires en 2016, Iman a posé sa candidature pour travailler au sein du personnel du train pour le projet de la ligne Addis-Abeba–Djibouti et a reçu une formation lui permettant de faire des progrès rapides et d'exaucer son souhait.

 

D'après Fu Xun, au total, près de 40 000 travailleurs locaux ont été embauchés pour la construction de cette ligne. L'année dernière, le consortium composé de China Railway Group et China Civil Engineering Construction Corporation, une filiale de China Railway Construction Corporation, a signé un contrat sur le droit d'exploitation pendant une période de transition de six ans suivant l'achèvement des travaux. Au cours de cette période, plus de 2 000 travailleurs locaux seront engagés pour prendre en charge le transport de marchandises et de passagers, la révision du train, l'entretien des infrastructures, etc.

 

Selon un proverbe chinois, plutôt que de donner du poisson à quelqu'un, mieux vaut lui apprendre à pêcher. Durant la construction de la ligne Addis-Abeba–Djibouti, le gouvernement chinois et les entreprises chinoises ont financé la formation du personnel de chemin de fer pour l'Éthiopie. Plus de 300 employés d'Ethiopian Railway Corporation sont venus à Beijing, Tianjin et Chengdu pour étudier l'ingénierie ferroviaire, la conduite de train, de même que l'entretien et la réparation dans des universités ou des écoles techniques secondaires.

 

Tadesse, chauffeur à Ethiopian Railway Corporation, compte parmi ces chanceux. Après plusieurs tours de sélection, il s'est distingué parmi des centaines de candidats et est venu en Chine afin d'apprendre à conduire le train. Un an plus tard, il est rentré en Éthiopie et continuait à pratiquer ce qu'il avait appris en Chine auprès des maîtres de formation de China Railway Group. À présent, Tadesse est à même de conduire le train indépendamment. On compte 136 Éthiopiens qui, comme Tadesse, sont venus en Chine apprendre ces techniques et serviront la ligne Addis-Abeba–Djibouti.

 

Qui plus est, les constructeurs chinois ont considéré les problèmes d'infrastructures et de service public de l'Éthiopie comme les leurs. En effet, en dépit de ses riches ressources souterraines en eau, le taux d'utilisation de l'eau reste faible en Éthiopie. Pendant la saison sèche, les habitants locaux vivant dans les régions éloignées sont confrontés à des difficultés sérieuses et obligés d'aller puiser de l'eau dans les petits étangs situés à plusieurs kilomètres de leur maison. Afin d'aider les villageois le long du parcours de la ligne à résoudre le problème de l'accès à l'eau potable, les constructeurs chinois leur ont transporté de l'eau par camions, ont posé des tuyaux d'eau du camp vers l'extérieur pour alimenter les villageois du voisinage et leur ont creusé gracieusement des puits dans des lieux réunissant les conditions nécessaires.

 

Financer l'éducation, réparer les salles de classe, reboiser les bordures des voies ferrées, construire des routes pour faciliter le passage des gens aux abords des chantiers… tous ces gestes ont permis aux Éthiopiens de ressentir l'amitié des constructeurs chinois. Comme l'indiquent les statistiques, depuis quatre ans, China Railway Group a bâti en Éthiopie des routes rurales totalisant quelque 400 km, creusé 19 puits aux environs du camp en plus d'une vingtaine de points d'alimentation d'eau, et aménagé plus de 2 000 m2 de terrains d'école.

 

Fin 2015, affectée par le phénomène El Niño, l'Éthiopie avait souffert de la pire sécheresse depuis 30 ans, au cours de laquelle plus de huit millions de sinistrés eurent un besoin urgent d'aide alimentaire. Plusieurs pays et organisations internationales, dont la Chine, ont offert quantité de matériels de secours, mais malheureusement, ceux-ci ont été bloqués dans le port de Djibouti par manque de capacité de transport routier. Suite à la demande du gouvernement éthiopien, la partie chinoise a entamé immédiatement l'étude du projet de transport ferroviaire temporaire en mettant en service à l'avance la ligne Addis-Abeba–Djibouti et en employant ses propres locomotives au diesel pour transporter plus de 100 000 tonnes d'aide humanitaire.

 

Moteur du futur en Afrique de l'Est

 

Le chemin de fer Addis-Abeba–Djibouti est qualifié de « ligne vitale menant à l'avenir ».

 

L'Éthiopie est un pays enclavé dont 90 % des importations et exportations passent par le port de Djibouti. Mais l'unique route reliant ces deux pays est à bout de souffle, si bien qu'il faut environ sept jours pour le transport des produits, faisant de cette solution un moyen lent et coûteux. Avec dix heures de temps de trajet contre sept jours dans le passé, la ligne ferroviaire Addis-Abeba–Djibouti deviendra une voie majeure favorisant l'exportation des produits, les transports et les communications pour l'Éthiopie, voire même pour l'Afrique de l'Est. Elle aidera à améliorer considérablement la situation actuelle des infrastructures de transport et l'efficience commerciale et logistique entre l'Éthiopie et Djibouti tout en rayonnant dans les pays voisins et les régions enclavées africaines.

 

Lors de la cérémonie d'inauguration de cette ligne, Xu Shaoshi, envoyé spécial du président chinois Xi Jinping et ministre chargé de la Commission nationale du développement et de la réforme, a indiqué que la ligne Addis-Abeba–Djibouti, la première ligne électrifiée transnationale en Afrique, marquait un jalon important dans le développement de l'Éthiopie et du Djibouti. C'est aussi un projet emblématique de la coopération sino-africaine non seulement en matière de capacités de production mais aussi au regard de la construction de trois réseaux majeurs (voies TGV, autoroutes, lignes d'aviation régionales) et du renforcement des infrastructures dans l'industrialisation. Selon lui, s'agissant d'un fruit symbolique et d'un appui important des Nouvelles Routes de la Soie, cette ligne insufflera une nouvelle vitalité au développement de l'Éthiopie et du Djibouti.

 

Le président djiboutien Ismaïl Omar Guelleh et le premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn ont déclaré respectivement, dans leurs discours, que la ligne Addis-Abeba–Djibouti contribuera au développement économique des deux pays et qu'elle fera des régions le long du parcours un couloir économique où l'on verra apparaître de nouvelles opportunités de développement. Ils sont tous deux persuadés que cette ligne donnera une physionomie toute nouvelle à l'Afrique de l'Est.

 

 

La Chine au présent