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Ce que vous ignorez sur la Chine

2016-11-02 15:04

 

 
 La vitesse du TGV chinois dépasse déjà 300 km/h.

 

ZHENG RUOLIN*

J'anime une émission spéciale sur la chaîne en français de la CCTV (China Central Television) : Rencontre. C'est une émission de débat et de dialogue durant laquelle je convie habituellement deux invités pour discuter d'un sujet d'actualité. J'invite souvent des Français à donner leurs points de vue sur la Chine. Parmi ces invités, certains résident de manière permanente en Chine, d'autres font des voyages courts, et un grand nombre d'entre eux sont comme moi journalistes.

Nous bavardons souvent en marge de l'enregistrement des programmes. Un journaliste français qui m'a rendu visite m'a parlé du TGV. Selon lui, le TGV français, qui a été rattrapé par le Japon en termes de vitesse, est beaucoup plus confortable que le TGV japonais. Pour étayer ses propos, il m'a lu un article publié sur Les Échos de septembre. J'ai lu avec une grande curiosité le paragraphe suivant :

« Pour leur TGV du futur, pour lequel ils (la SNCF et ALSTON) ont présenté il y a quelques jours un ''partenariat d'innovation'', ils ont au contraire fait le choix d'un train non pas plus rapide, mais... misant davantage sur le confort et le service rendu aux voyageurs. En témoignent par exemple les fauteuils pivotants, dont seront équipées les premières classes des rames qui circuleront, à partir de 2017, sur la ligne Océane entre Paris et Bordeaux, permettant aux voyageurs de se trouver toujours dans le sens de la marche. »

Je signale alors à mon ami que ces fameux fauteuils pivotants qui assurent aux voyageurs d'être toujours dans le sens de la marche sont déjà une réalité dans le TGV chinois, et non pas une « innovation ». À ma grande surprise, mon ami français qui n'avait jamais pris le TGV chinois a haussé les épaules – il ne me croyait pas. Ce genre de choses figure rarement dans les médias français, et ce n'est jamais mentionné au journal télévisé. J'ajoute que d'ailleurs, la vitesse commerciale du TGV chinois dépasse déjà 300 km/h, et a atteint un pic de vitesse de 486,1 km/h. J'ai pris récemment le TGV de Beijing à Shanghai, un trajet de 1 318 km effectué en 4 heures et 48 minutes, à un prix fixe vraiment abordable de 553 yuans, soit environ 70 euros. Aujourd'hui, le TGV est le moyen de transport privilégié par la classe moyenne chinoise relativement aisée. Pendant la fête du Printemps, c'est-à-dire le Nouvel An chinois, près de 3,5 milliards de trajets sont effectués grâce au TGV à travers le pays.

Je ne suis pas surpris par le manque de réaction de mon ami, parce que les médias français sont très sélectifs dans leur couverture de la Chine, et certaines choses ne sont jamais évoquées.

Un événement qui vient d'arriver par exemple, et dont je n'ai rien vu à la télévision française : la Chine a lancé avec succès le module Tiangong-2 (Palais céleste). Tiangong-2 est un laboratoire spatial créé par la Chine, une station spatiale dans laquelle les astronautes chinois vivront pendant qu'ils mèneront leurs travaux dans l'espace. Ce lancement constitue un événement majeur dans l'histoire aérospatiale de la Chine, mais les journaux télévisés français n'en ont pas dit un mot, alors que les lancements réussis de fusées au Japon ou en Inde sont souvent abordés.

Un autre exemple : le lancement récent du satellite quantique Mozi par la Chine. Là encore, pas un mot au JT. D'un point de vue technologique, il s'agit du premier satellite quantique d'expérimentation scientifique au monde. La communication quantique revêt une grande importance, en particulier dans le domaine du cryptage des communications. Il s'agit là d'une percée rare de la Chine en recherche scientifique, un domaine dans lequel le pays occupe le premier rang mondial. Mais cela ne semble pas avoir intéressé la presse française. Certains collègues pourraient dire que si la presse française y est indifférente, c'est que le lancement réussi d'un satellite est un simple fait, cela intéresse moins les gens qu'une explosion en cours de lancement. De la même manière, dire qu'un chien a mordu un individu suscite moins d'attention que si l'on dit qu'un individu a mordu un chien. Toutefois, le lancement du satellite Mozi n'a pas été anodin pour l'opinion publique chinoise, il a même été controversé. Cela ne peut-il pas constituer les éléments d'une nouvelle ?

Après avoir travaillé pendant une vingtaine d'années en France à titre de correspondant du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai, je connais bien les médias français. Dans leur couverture de la Chine, les médias français ont une « ligne rouge », selon laquelle certains contenus ne sont jamais mentionnés. Après mon retour en Chine, j'ai découvert qu'il existe aussi une « ligne rouge » invisible pour les médias français quand il s'agit d'autres choses qui se produisent dans le monde... Cela m'a donné une idée : je pourrais faire une émission, intitulée Français, voici ce que vous ignorez..., pour partager avec le public les événements qui ont lieu en Chine et dans le reste du monde, mais qui n'intéressent pas les médias français.

En un mot, tout le contenu lié à la Chine que les médias français, et en particulier la télévision, trouvent politiquement incorrect n'est généralement pas signalé.

Les nouvelles chinoises « politiquement incorrectes » sont d'abord des reportages positifs sur la Chine, c'est une ligne rouge infranchissable. Par exemple, la correspondante d'une chaîne de télévision française à Beijing est récemment venue m'interviewer en me demandant « si la lutte contre la corruption effectuée par les dirigeants chinois a entraîné une perte de popularité ». Conformément aux faits dont j'ai connaissance, j'ai exprimé mon point de vue devant la caméra. Mais les faits ne correspondaient pas à ce qu'elle voulait entendre : les hauts dirigeants chinois jouissent d'une grande popularité en raison de leur persévérance dans la lutte contre la corruption. Pour l'opinion publique chinoise, la lutte contre la corruption vise un groupe de fonctionnaires corrompus, et on dit en effet que « les fonctionnaires sont réduits à la misère ». Mais cette expression reflète précisément le soutien populaire dont jouit Xi Jinping. Mes propos directs, qui correspondent à la réalité mais pas aux besoins médiatiques de la journaliste, ont été passés sous silence et n'ont pas été transmis aux téléspectateurs français, puisque le fait de dire que le peuple soutient les dirigeants chinois est absolument « politiquement incorrect ». Ainsi, les téléspectateurs français ne sauront rien de la grande popularité gagnée par les hauts dirigeants chinois en raison de la lutte anticorruption, ce qui est pourtant la réalité. C'est à cause de la suppression des informations de ce genre que les Français ne comprennent pas pourquoi, jusqu'à aujourd'hui, le peuple chinois « tellement insatisfait » ne s'est pas encore révolté.

Deuxièmement, les nouvelles impliquant la Chine qui pourraient provoquer le « mécontentement » du peuple français ne sont pas non plus rapportées. Par exemple, lors des Jeux olympiques de Rio de Janeiro, les chaînes françaises ont tout fait pour ne pas montrer les athlètes chinois. En 2008, lorsque je vivais en France, j'ai tenté de regarder les JO de Beijing à la télévision française. Mais je n'ai vu aucun match d'équipes chinoises, ni même entendu l'hymne national de la République populaire de Chine, ou vu la levée du drapeau national... Bien que cela se soit un peu amélioré aux JO de Rio, la télévision française montre le moins possible les athlètes chinois. Par exemple, combien de Français savent que l'équipe féminine chinoise de volley-ball a remporté la médaille d'or à Rio ? Cela a pourtant eu un grand retentissement en Chine. Il est certain que certains médias s'évertuent aussi à bloquer la Chine pendant un « spectacle phare » tel que les Jeux olympiques.

Le plus scandaleux est le traitement par les médias français des Jeux paralympiques de Rio. Même en suivant attentivement le journal télévisé français, il est impossible de savoir que la Chine a remporté un total de 239 médailles aux Jeux paralympiques, dont 107 médailles d'or ! Pourquoi les chaînes françaises ignorent-elles les équipes chinoises ? Je cherchais une explication logique, quand j'ai entendu les propos révélateurs du nageur français Camille Lacourt : « Ça me déplaît d'être battu par un Chinois ». Le sous-entendu est clair : il est acceptable d'être battu par un Allemand, un Américain ou même un Japonais, mais surtout pas par un Chinois !

Il est aussi rare de voir des informations concernant les progrès scientifiques et technologiques de la Chine. Le système de navigation satellitaire Beidou fonctionne déjà depuis longtemps, il est même devenu le deuxième plus grand système de navigation du monde. Mais les Français n'en ont presque jamais entendu parler. Le laser, le riz hybride, le superordinateur, des domaines technologiques dans lesquels la Chine se trouve au premier rang mondial, ne sont tout simplement jamais abordés.

Il y a une « règle tacite » dans la conception du politiquement correct : rapporter un « objet », en substance, c'est lui donner une légitimité. Ainsi, les médias français, en particulier la télévision, évitent toujours de rapporter certaines nouvelles pour ne pas donner de légitimité à la position chinoise. Par exemple, lorsque la Chine annonce qu'elle ne peut accepter la décision prise sur la mer de Chine méridionale par un soi-disant tribunal arbitral (ce n'est pas la Cour internationale de justice de La Haye, ni un organisme de l'ONU, mais simplement un tribunal civil qui n'a aucune légitimité), la France n'entend pas les raisons de cela. Pourquoi la Chine ne peut-elle accepter, ni reconnaître cet arbitrage ? Elle l'a réfuté en profondeur, paragraphe par paragraphe. Mais les médias télévisés français n'ont rien mentionné de l'explication chinoise, ils se sont contentés de dire que la Chine « refuse d'accepter l'arbitrage ». Ils ont fait la même chose à propos du différend sino-japonais sur l'histoire de la Seconde Guerre mondiale. En France, on est très vigilant envers le négationnisme et le révisionnisme, mais on a une attitude ouvertement tolérante sur la négation de l'histoire de la Seconde Guerre mondiale par le Japon. Cela est incompréhensible et inacceptable. En outre, le refus et la révision historiques par le Japon toucheront un jour l'Europe. À ce moment-là, il sera trop tard pour les regrets.

Je peux établir une longue liste des nouvelles que les Français ne savent pas. Bien sûr, mes collègues français pourraient dire que ces messages ne sont pas importants selon eux et n'ont pas besoin d'être rapportés. En effet, chaque personne, chaque nation a ses propres critères pour comprendre le monde. Je ne veux imposer aucun sujet d'actualité aux Français. Toutefois, quand je constate que les Français ne savent pas que le TGV chinois est équipé de fauteuils pivotants depuis longtemps, que la lutte contre la corruption bénéficie d'un grand soutien populaire, que la Chine a remporté 239 médailles aux Jeux paralympiques de Rio, ou qu'elle a lancé le module Tiangong-2, le monde qu'ils voient est déformé et incomplet. Dans un contexte de mondialisation, si l'on ne comprend pas le monde, comment pourra-t-on coopérer pour un développement mutuellement bénéfique au milieu d'une concurrence économique féroce ?

Dans le passé, nous avions pâti d'avoir mal compris le monde. Nous échafaudions de vains projets en nous enfermant et en croyant des choses fausses. Aujourd'hui, nous sommes ouverts au monde, et la compréhension du peuple chinois envers le monde n'a jamais été aussi profonde qu'aujourd'hui, même si elle n'est pas encore complète. Mais lorsque l'on voit les médias français et l'opinion publique, on ne peut pas dire que ce sont les Chinois qui sont mal informés.

Je suis certain que l'émission Français, voici ce que vous ignorez... aidera les Français à comprendre la Chine et le monde.

 

*ZHENG RUOLIN est un ancien correspondant à Paris du quotidien Wen Hui Bao de Shanghai et l'auteur du livre Les Chinois sont des hommes comme les autres aux éditions Denoel.

 

La Chine au présent