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L’exemple chinois dans la lutte contre le changement climatique

2016-12-02 09:27

 

Le 14 novembre 2016, lors de la COP22 à Marrakech, Xie Zhenhua, représentant spécial de Chine pour les négociations sur le changement climatique, a indiqué que la Chine espérait renforcer la coopération Sud-Sud.

 

 

HUANG YONGFU*

 

En novembre dernier, peu de temps après l'entrée en vigueur officielle de l'Accord de Paris, la 22e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (COP22) s'est ouverte à Marrakech, au Maroc. Des représentants de plus de 190 pays et régions ont pris part à cette rencontre d'une durée de douze jours, afin de discuter des détails techniques concernant la mise en œuvre de l'Accord de Paris.

 

Une conférence très attendue

 

En accord avec les objectifs et les principes de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, l'Accord de Paris a été adopté à l'unanimité par les 195 pays participant à la COP21. Ce texte jette une base institutionnelle aux actions conjointes qui seront menées dès 2020 pour faire face au changement climatique planétaire, recherchant un équilibre entre les divers points clés comme l'atténuation, l'adaptation, le financement, le transfert de technologies, le renforcement des capacités, la transparence et le bilan des mesures prises à travers le monde. Les pays signataires estiment que l'Accord de Paris a permis d'établir un système de gouvernance mondial pour la lutte contre le changement climatique se fondant sur des « contributions prévues déterminées au niveau national ». Cet accord a marqué un jalon et un tournant dans les efforts de lutte contre le changement climatique global, car c'est la première fois que la communauté internationale parvenait à un consensus dans ce domaine.

 

Le 12 décembre 2015, l'Accord de Paris a été adopté à Paris par les délégations présentes à la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques ; le 22 avril 2016, plus de 170 pays ont signé l'Accord de Paris au siège des Nations unies à New York ; le 4 novembre 2016, l'Accord de Paris est officiellement entré en vigueur. Le monde entier s'est réjoui de la prise d'effet rapide du texte. Toutefois, comme son entrée en vigueur est intervenue trois ans plus tôt que prévu, les pays qui ont ratifié l'Accord de Paris sont tenus, selon la loi, d'appliquer les règles fixées pour la prochaine Conférence des Nations unies sur le climat. C'est dans ce contexte qu'a été organisée la COP22 à Marrakech. Les représentants des gouvernements sont confrontés à un nouvel enjeu : résoudre en très peu de temps tout un tas de questions techniques jusqu'à présent laissées de côté.

 

Chaque pays attendait avec impatience cette conférence de Marrakech pour, d'une part, réaffirmer sa volonté et sa détermination à se joindre aux efforts de lutte contre le changement climatique global, et d'autre part, véritablement mettre en œuvre et renforcer l'action de fond. Il est urgent de déterminer, par exemple, comment suivre la feuille de route prévoyant que les pays développés débloquent 100 milliards de dollars de fonds par an d'ici 2020 pour aider les pays en développement, ou encore comment mettre en œuvre les mesures de réduction des émissions pour atteindre les objectifs avant 2020.

 

Le rôle modèle de la Chine

 

Le gouvernement chinois, à la tête de la première économie du monde et du plus grand pays en développement, a vigoureusement participé au processus de négociation sur la question du changement climatique organisé par les Nations unies. Soutenant les notions de « responsabilités communes mais différenciées », de « justice climatique » et des « capacités respectives », et respectant le principe des concertations multilatérales pilotées par les parties dans l'optique d'une participation et d'un consensus larges, transparents et ouverts, la Chine a activement encouragé et guidé les pourparlers notamment sur la définition de règles et procédures de suivi de l'Accord de Paris, renforçant ainsi la mise en œuvre globale, efficace et durable de cet accord.

 

En septembre 2016, avant le Sommet du G20 à Hangzhou, la Chine et les États-Unis ont déposé simultanément au secrétaire général des Nations unies leur « instrument de ratification » pour l'Accord de Paris. La Chine a pris cette initiative d'approuver l'accord et de remettre officiellement le document signé, assumant en toute évidence son rôle de grand pays responsable. Elle envoie ainsi des signaux positifs à la communauté internationale en opérant une transition vers un développement bas carbone et favorise avec force l'entrée en vigueur de l'Accord de Paris.

 

En tant que grand pays émetteur de gaz à effet de serre, la Chine s'est toujours efforcée de réduire ses émissions, s'engageant sur le chemin du développement vert. Dans le cadre de l'Accord de Paris, la Chine s'est fixé quatre grands objectifs de contribution : diminuer de 60 à 65 % d'ici 2030 les émissions de CO2 par unité de PIB par rapport à 2005 ; augmenter à près de 20 % la part des énergies non fossiles dans le mix énergétique ; atteindre le plus tôt possible le pic des émissions de CO2 ; augmenter les réserves forestières de 4,5 milliards de mètres cubes par rapport à 2005. La Chine a encore émis d'autres objectifs propres à la lutte contre le changement climatique et à la promotion du développement bas carbone dans le cadre de son Programme de travail pour le contrôle des gaz à effet de serre relevant du XIIIe Plan quinquennal publié récemment. Ce programme prévoit notamment, d'ici 2020, d'abaisser de 18 % les émissions de CO2 par unité de PIB par rapport à 2015. De plus, la Chine rédige actuellement les lois et règlements pertinents pour la mise en place en 2017 d'une Bourse du carbone mondiale. Elle définit le plan d'allocation des quotas et les volumes d'échange des droits à polluer.

 

En outre, dans le cadre de la coopération Sud-Sud, la Chine continuera de fournir aux petits États insulaires, aux pays les moins avancés et aux pays en développement (notamment en Afrique), un soutien technique, une aide matérielle ainsi que des formations professionnelles, pour que ceux-ci puissent améliorer leurs capacités à combattre le changement climatique. Depuis 2015, la Chine intensifie la coopération Sud-Sud. Elle veut servir de modèle aux pays en développement pour qu'eux aussi marchent sur le chemin du développement bas carbone et souhaite promouvoir au passage les technologies et produits chinois écologiques. En septembre 2015, le président Xi Jinping s'est engagé à déployer une centaine de programmes en faveur de la protection de l'environnement et de la lutte contre le changement climatique dans les pays en développement ces cinq prochaines années. En décembre 2015, Xi Jinping a annoncé lors de la Conférence de Paris l'établissement à venir d'un Fonds de coopération Sud-Sud d'un montant de 20 milliards de yuans pour contrer le changement climatique. Il a également lancé le programme « 10 – 100 – 1 000 », à savoir ouvrir 10 zones pilotes de développement bas carbone, élaborer 100 programmes d'atténuation et d'adaptation face au changement climatique et instaurer un projet de coopération destiné à former 1 000 experts pour la lutte contre le changement climatique.

 

Des ombres au brillant tableau

 

L'Accord de Paris affiche clairement l'objectif suivant : maintenir la hausse moyenne des températures globales sous la barre des 2°C et s'efforcer de limiter ce réchauffement climatique à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. Cependant, la concrétisation de cet objectif dépendra d'un certain nombre de facteurs.

 

Premièrement, l'Accord de Paris en lui-même ne suffit pas, puisque d'une part, le système de gouvernance climatique mondial qu'il a établi a en réalité allégé la responsabilité des pays développés en matière de réduction des émissions et de financement, et d'autre part, sa mise en œuvre effective dépend de la volonté politique des dirigeants de chaque pays. En raison du fossé qui existe entre les pays développés et les pays en développement au niveau des émissions historiques et des capacités respectives, les négociations sur le climat, et même sur la gouvernance économique mondiale, adhèrent depuis toujours au grand principe des « responsabilités communes mais différenciées ». C'est en vertu de ce principe que d'un côté, les pays développés sont contraints d'observer des obligations de réduction des émissions quantifiées dans le cadre du Protocole de Kyoto signé auparavant ; et de l'autre, les pays en développement prennent de manière autonome des mesures pour la réduction des émissions et bénéficient d'un soutien de la part des pays développés via des actions de financement, de transfert de technologies et de renforcement des capacités.

 

Toutefois, lors de la Conférence de Paris, les pays développés avec les États-Unis en chef de file, faisant fi de leur devoir moral et de leur responsabilité à l'international, ont cherché à abroger le principe des « responsabilités communes mais différenciées » et à exiger des économies émergentes qu'elles assument les mêmes obligations de réduction des émissions et de financement. Au final, les parties ont chacune pris des engagements volontaires, selon le concept des « contributions prévues déterminées au niveau national ». Par conséquent, bien que l'Accord de Paris soutienne explicitement le principe des « responsabilités communes mais différenciées », non seulement il n'a pas défini clairement la responsabilité de chaque pays en matière de réduction des émissions, mais en plus il n'a pas chiffré l'aide financière que les pays développés doivent fournir aux pays en développement. L'Accord de Paris prévoit, tout au plus, que tous les cinq ans à partir de 2018, les pays établissent un rapport sur la situation des émissions et les mesures prises pour les réduire, et acceptent de revoir leurs obligations. Néanmoins, aucune sanction ne sera prise contre les pays ne jouant pas le jeu, car il est globalement admis que cet accord n'a pas force de loi. Aussi craint-on, dans ces conditions, que les objectifs internationaux fixés en matière de réduction des émissions ne soient pas atteints.

 

Deuxièmement, vient s'ajouter le facteur américain. En d'autres termes, le résultat à la dernière élection présidentielle et le système législatif bicaméral américain pourraient avoir un impact significatif sur le rôle que jouent les États-Unis dans la mise en œuvre de l'Accord de Paris. Le président Trump nouvellement élu avait fait part sur les réseaux sociaux de son scepticisme quant au réchauffement climatique planétaire. Aussi a-t-il indiqué dans un discours cette année que s'il était élu président des États-Unis, il « annulerait » l'accord sur le climat. Ces commentaires avaient suscité l'inquiétude de toute la communauté internationale. Le monde retient son souffle en attendant de voir ce que vont faire les États-Unis : vont-ils ne pas tenir compte de leurs engagements pris dans le cadre de l'Accord de Paris ou vont-ils carrément sortir de l'accord ?

 

En outre, en raison de la complexité du système législatif bicaméral et de la compétition féroce entre les partis aux États-Unis, il faut s'attendre à une politique américaine de lutte contre le changement climatique instable et périodique.

 

Dans un tel contexte, la Chine devra examiner, selon une approche plus rationnelle et plus objective, les perspectives de coopération sino-américaine en matière de lutte contre le changement climatique ainsi que le plan américain de réduction des émissions et la responsabilité internationale des États-Unis à cet égard.

 

 

*HUANG YONGFU est chercheur au Centre de coopération internationale de la Commission nationale du développement et de la réforme et l'un des auteurs du 5e Rapport d'évaluation du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat.

 

Article extrait du quotidien Economic Daily publié le 15 novembre 2016.

 

 

La Chine au présent