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Le supercalcul crève tous les plafonds en Chine

ZHOU CHANG, membre de la rédaction

Le 12 novembre 2012, la liste des 500 premiers superordinateurs du monde a été publiée : le Titanic des États-Unis arrive en tête, et le Tianhe-I de Chine est seulement en huitième position. En 2010, Tianhe-I était pourtant en tête de cette liste. Le superordinateur, on l’appelle aussi le supercalculateur, est en fait un ordinateur conçu pour réaliser les plus hautes performances possibles avec les technologies connues au moment de sa conception, en particulier en termes de vitesse de calcul.

Des gigaflops aux petaflops

L’histoire du superordinateur chinois est en fait celle du passage des gigaflops aux petaflops (le flops est un acronyme signifiant « opérations à virgule flottante par seconde », un gigaflops équivaut à 109 opérations et un petaflops, à 1015 ). En 1983, l’Université nationale des Technologies de la Défense avait réussi à fabriquer le superordinateur Yinhe-I, faisant de la Chine un des trois pays à posséder un superordinateur après les États-Unis et le Japon. À cette époque-là, les circuits intégrés de ce supercalculateur étaient pleins de points de soudage, qui étaient faits à la main. Les armoires du superordinateur étaient remplies de dizaines de milliers de fils électroniques, qui avaient aussi été patiemment connectés à la main.

 

Après Yinhe-I, la Chine a réussi en 2004 à créér le superordinateur Shuguang 4000A. Il se classait parmi les dix premiers superordinateurs du monde de cette année-là. En juin 2006, la Chine a développé le superordinateur Shuguang 5000A. Le New York Times écrivait alors que la naissance de Shuguang 5000A signifiait que la Chine était déjà entrée dans le peloton de tête des pays fabriquants de superordinateurs à haute performance.

Dans l’histoire du développement des superordinateurs, passer à une vitesse de calcul qui se décline en petaflops est en fait un progrès difficile à réaliser. Dans les années 1990 du XXe siècle, les États-Unis avaient déjà lancé un tel projet de superordinateur, mais ce n’est qu’en juin 2008 que l’entreprise IBM a finalement réussi à le réaliser : Roadrunner était né, et l’ère des petaflops était lancée. Presque au même moment, le superordinateur chinois était justement parvenu, de son côté, à dépasser la vitesse de calcul en gigaflops. C’est la raison pour laquelle, quand a été annoncée la fabrication du superordinateur en petaflops Tianhe-I en octobre 2009, tout le monde a été choqué. En fait, la naissance de Tianhe-I a fait de la Chine le deuxième pays après les États-Unis capable de produireun tel superordinateur.

Dans l’industrie informatique internationale, le passage des gigaflops aux petaflops est en fait un changement qualitatif, parce qu’il ne peut pas être réalisé simplement en multipliant le nombre de grappes d’ordinateurs : cela exige une amélioration structurelle. Tianhe–I constitue donc évidemment une innovation technologique.

Plus tard, à la suite de Tianhe-I, l’Université nationale des Technologies de la Défense et a continué ses recherches pour améliorer les noyaux d'accélération, et a finalement créé le Tianhe-IA. Ce superordinateur pouvait atteindre une vitesse de calcul de 4,7 petaflops, et a enregistré une vitesse de calcul de 2,566 petaflops dans l’essai Linpack (Le Linpack est un test de performance servant à classer les plus puissants superordinateurs du monde dans le TOP500.). En 2010, ce superordinateur chinois a été classé en tête de la liste des 500 premiers superordinateurs du monde.

Les innovations chinoises

Par rapport aux autres superordinateurs petaflops du monde, Tianhe-I possède une supériorité technologique en matière de fusionnement du processeur central et du processeur graphique. En théorie en effet, outre la lecture des graphiques, le processeur graphique peut aussi être utilisé pour calculer. Dans la pratique cependant, il ne peut consacrer plus de 20 % de sa capacité au calcul. Sur Tianhe-I pourtant, on peut utiliser 70 % de sa capacité pour le calcul, ce qui encourage évidemment les entreprises étrangères, et beaucoup ont demandé à coopérer en matière de cartes graphiques avec les ingénieurs chinois de Tianhe-I.

Le 27 octobre 2011, le projet de superordinateur Sunway Blue Light MPP, lancé au Centre national du superordinateur à Jinan (Shandong), a réalisé des recherches indépendantes, qui ont permi à la Chine de devenir un des trois pays fabriquant lui-même le processeur central de son superordinateur petaflops, après les États-Unis et le Japon.

Le Sunway Blue Light MPP est composé de neuf armoires d’une hauteur de trois mètres. Selon Pan Jingshan, directeur assistant du Centre national du superordinateur à Jinan, chaque armoire possède 124 processeurs centraux, et chaque processeur central possède seize noyaux internes. En d’autres termes, Sunway Blue Light MPP totalise 18 000 noyaux internes dans un espace réduit, et cela fait de lui un des deux superordinateurs les plus compacts au monde.

Par ailleurs, on a utilisé une technique de refroidissement à l’eau pour tous les équipements de Sunway Blue Light MPP, sur base d’un circuit fermé interne. Avec cette technologie, la consommation d’énergie a pu être réduite à un mégawatt. En comparaison, le Jaguar, superordinateur américain, qui a été plusieurs fois classé en tête de la liste des 500 premiers superordinateurs du monde, consomme une énergie de sept mégawatt. Gu Weidong, directeur du Centre national du superordinateur à Jinan, explique : « Le système de refroidissement de Sunway Blue Light MPP prend la forme d’un sandwich. Le plaque de réfrigération à l’eau se trouve au point de contact de deux processeurs centraux et ne laisse aucun interstice. Ainsi, on n’entend pas les bruits du ventilateur de refroidissement quand les processeurs centraux fonctionnent à grande vitesse. Selon Jack Dongarra, informaticien de l’Université du Tennessee aux États-Unis, le Sunway Blue Light MPP présente un système complexe de refroidissement liquide, qui constitue un progrès remarquable dans la conception du superordinateur.

Le Sunway Blue Light MPP a aussi donné une très bonne impression à Dr Hans Werner Meuer, expert réputé des superordinateurs dans le monde et un des fondateurs de la liste des 500 premiers superordinateurs du monde. Selon lui, les technologies chinoises influenceront le modèle industriel de superordinateur du futur. Non seulement la basse consommation électrique du superordinateur chinois lui donne un avantage sur ses concurrents, mais il possède en outre les performances de calcul considérables des processeurs d’Intel.

Comment exploiter le superordinateur ?

« Le classement des superordinateurs se base sur certains indices technologiques, mais dans la pratique, la question principale est comment exploiter efficacement ces supercalculateurs. » Qian Depei, chef de l’équipe d’experts du projet national 863, explique : « Maintenant, on accorde plus d’attention à une meilleure utilisation des supercalculateurs qu’on possède. »

Les Chinois sont très fiers d’avoir construit leur Tianhe-I. Mais d’un point de vue pratique, Tianhe-I a aussi des réalisations à son actif. Depuis son installation au Centre national du superordinateur à Tianjin, il a été utilisé dans beaucoup de domaines. On a créé cinq plate-formes de haute performance, comme celle de l’exploration pétrolière ; celle de la pharmacie biologique ; celle de la fabrication du dessin animé, des programmes télévisés et du film ; celle de la conception de produits haut de gamme ; et celle de la collection des informations géographiques. Tianhe-I a fourni un service informatique à plus de 300 clients en Chine, et a été utilisé plus de 70 % du temps depuis son apparition.

« Maintenant, Tianhe-I est le superordinateur actif le plus rapide du monde. » explique Liu Guangming, directeur du Centre national du superordinateur à Tianjin. Il résume en trois mots les utilisations de Tianhe-I : « le ciel, la terre, l’homme », c’est à dire les prévisions météorologiques pour le ciel ; l’exploration pétrolière et gazière pour la terre ; et pour l’homme, la pharmacie et l’agriculture biologique.

Au début de 2011, l’entreprise BGP (Bureau of geophysical prospecting) de CNPC a introduit les données dans une zone d’exploration pétrolière de 1 060 m2 dans le superordinateur Tianhe-I, et ce dernier a seulement eu besoin de 16 heures pour terminer son calcul. La vitesse de calcul a ainsi été multipliée par 30 par rapport à celle des superordinateurs de la génération précédente. Maintenant, le CNPC (China National Petroleum Corporation), le SINOPEC (China Petroleum & Chemical Corporation) et le CNOON (China National Offshore Oil Corporation) sont les clients principaux de Tianhe-I.

Comme d’habitude, au cours des recherches sur les nouveaux médicaments, il faut sélectionner le bon composant parmi plusieurs centaines de milliers, voire plusieurs millions de composants chimiques et cela peut prendre une dizaine d’années de recherches. Mais avec Tianhe-I, ce stade des recherches peut être réduit à un ou deux ans. En s’appuyant sur les calculs de Tianhe-I, l’Institut des recherches sur les médicaments de Shanghai de l’Académie des sciences de Chine a déjà accompli plusieurs performances scientifiques de haut niveau et de portée mondiale.

Le superordinateur est donc considéré comme un accélérateur des recherches scientifiques. Mais il est vu aussi comme un moteur de la transformation économique de la société. L’utilisation du superordinateur peut en effet susciter un grand développement scientifique et améliorer la capacité d’innovation du pays. Bien que la Chine possède des supercalculateurs de haute performance, elle doit encore réfléchir au problème du manque d’applications pratiques pour ces grandes machines. Par ailleurs, les clients finaux des superordinateurs, tels que les instituts de recherche, les universités et les entreprises, ont aussi rencontré beaucoup de problèmes quand ils ont utilisé les superordinateurs : le coût, la stagnation des logiciels, etc. Tianhe-I constitue sans doute un bon exemple de la nécessité de mieux utiliser ces grands trésors.

Meng Xiangfei, directeur du département de l’exploitation du Centre national du superordinateur à Tianjin, a déclaré : « Dans une certaine mesure, les services rendus par le superordinateur sont plus importants que ses performances en elle-mêmes. Il a prouvé sa valeur quand il a été utilisé par différents clients, et c’est là que se trouve sa vraie raison d’être. »