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Chine-France : une balance commerciale à rééquilibrer, des investissements à renforcer

2020-11-04 11:41:00 Source:La Chine au présent Auteur:Barthélémy Courmont
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Vue du Marseille International Fashion Center (MIF 68) le 8 janvier 2018. Deux cents entreprises textiles de gros chinoises sont installées dans des conteneurs transformés en showroom et en boutiques.

 

De toutes les puissances occidentales, la France est celle qui entretient avec la Chine les relations à la fois les plus anciennes et les plus complexes. Les relations diplomatiques furent officialisées dès 1964, avec l’objectif affiché, par le général de Gaulle, de refuser l’alignement sur Washington ou Moscou. Si elles furent au cours des cinq dernières décennies soumises à de constants réajustements témoignant d’un contexte international en évolution, ces relations restent solides et font même de Paris le principal interlocuteur politique et stratégique de Beijing sur la scène européenne. Cependant, la coopération économique ne s’est jamais concrétisée à la hauteur des attentes et des promesses offertes par la croissance chinoise depuis quarante ans, et si la France reste un partenaire commercial important pour Beijing, elle est distancée par d’autres pays européens comme l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie.

 

Une relation commerciale qui reste déséquilibrée
 
La Chine est aujourd’hui le sixième partenaire commercial de la France, cette dernière accusant cependant un important déficit commercial, supérieur à 30 milliards d’euros par an. Les secteurs économiques français les plus performants au niveau des exportations sont l’aéronautique (qui en représentent un tiers) et d’autres segments de l’industrie, et la coopération en matière d’énergie nucléaire s’est étendue. Les discussions sur une usine de retraitement de combustible nucléaire à 20 milliards d’euros coconstruite par Orano (ex-Areva) devraient ainsi aboutir à des initiatives menées en commun, ce qui a parallèlement pour effet de renforcer la coopération scientifique et technologique entre les deux pays.

 

L’industrie du luxe, la santé et l’agroalimentaire connaissent de leur côté une croissance rapide et constante qui traduit la hausse significative du niveau de vie en Chine et l’accès à des produits de consommation autrefois peu représentés sur le marché chinois. L’appétit des consommateurs chinois pour l’industrie du luxe et les cosmétiques en provenance de France ne cesse de croître, et l’émergence de classes moyennes a considérablement augmenté les perspectives de développement. Conséquence des mêmes évolutions, le tourisme est également un secteur dans lequel la balance penche côté français, avec un excédent qui avoisine les 5 milliards d’euros (hors COVID-19, l’année 2020 étant un cas particulier pour le tourisme mondial). Les perspectives d’augmentation du nombre de touristes chinois visitant la France sont d’ailleurs souvent au menu des échanges entre les deux pays sur l’amélioration de leur coopération économique, tout autant que les conditions dans lesquelles les exportations françaises vers la Chine pourraient être à l’avenir facilitées.
 

 

Les investissements au cœur de la coopération
 
Les investissements directs français en Chine sont nettement supérieurs aux investissements chinois, à l’instar des autres partenaires économiques de la Chine. Les entreprises françaises implantées en Chine, plus de 2 000 au total, emploient pour leur part près de 500 000 personnes et témoignent d’un dynamisme dont l’agglomération de Wuhan est souvent présentée comme le symbole. Cependant, on relève depuis plus d’une décennie une hausse spectaculaire des investissements chinois en Europe, et notamment en France (qui représente près de 10 % de l’ensemble des investissements chinois dans l’Union européenne), en accompagnement de l’initiative « la Ceinture et la Route » (BRI – Belt & Road Initiative) et de l’intérêt grandissant que Beijing manifeste à l’égard de ses partenaires européens. D’ailleurs, avant que la BRI ne voie le jour, la France avait œuvré aux côtés de ses partenaires européens (l’Allemagne en particulier) à la création d’un réseau de chemin de fer transasiatique – projet initié dès 1959 et déjà défendu par Paris – visant à faciliter et accroître les échanges commerciaux à échelle continentale. Plusieurs liaisons ferroviaires ont été assurées entre la Chine et l’Europe au cours des dernières années, confirmant des développements dans ce domaine, et depuis 2017, 28 villes chinoises et 29 villes européennes sont reliées par des services ferroviaires.

 

Même s’il reste modeste en comparaison au fret maritime, le développement des infrastructures terrestres dans le cadre de la BRI pourrait avoir une conséquence directe sur les exportations de la France vers la Chine en permettant le transport de denrées périssables (le temps de transport étant nettement plus court que par voie maritime) et donc une augmentation du volume des échanges dans l’agroalimentaire afin de répondre à un marché chinois en pleine croissance. C’est pourquoi la France suit de près le développement des initiatives chinoises et a engagé avec Beijing un dialogue sur la BRI placé sous le signe de la réciprocité évoquée à plusieurs reprises par Emmanuel Macron. Cette réciprocité doit reposer sur des conditions d’implantation assurées pour les entreprises des deux pays et sur un effort visant à équilibrer la balance commerciale. La question de l’implantation des entreprises chinoises en Europe en général, et en France en particulier, est également au cœur de la coopération économique entre les deux pays. Si Paris voit positivement le développement de projets portés par des entreprises chinoises, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Lemaire avait pointé du doigt en 2018 le risque de « pillage technologique » et ainsi invité à encadrer ces investissements. Sans fermer la porte à la coopération, la France a également identifié les enjeux liés à la 5G et au développement de Huawei, que d’autres pays occidentaux, États-Unis et Royaume-Uni en tête, ont choisi d’interdire sur leur territoire. Derrière la réciprocité et les alertes liées aux risques de pillage des données, c’est la question de la souveraineté économique qui est en jeu.
 

 

L’Union européenne derrière la relation Paris-Beijing

 

La relation que Paris entretient avec Beijing ne saurait cependant être comprise sans tenir compte de l’importance de l’Union européenne, à la fois dans les échanges économiques et commerciaux, mais aussi sur des questions politiques et stratégiques. C’est Bruxelles qui a négocié au nom de l’ensemble des États membres l’accession de la Chine à l’OMC, les échanges commerciaux n’ont fait que croître depuis trois décennies, et devant la montée en puissance économique de la Chine, qui place Beijing en position de force dans ses négociations avec les pays européens pris séparément, c’est l’Union européenne qui s’impose comme le principal interlocuteur. À ce titre, il n’est pas anodin que la dernière visite de Xi Jinping en France ait été marquée par des rencontres avec son homologue français, mais également avec Angela Merkel et Jean-Claude Juncker (alors président de la Commission européenne). Si la coopération bilatérale avec des pays européens intéresse Beijing, c’est bien un partenariat global avec Bruxelles qui est l’objectif des initiatives chinoises.

 

Compte tenu des perspectives économiques chinoises, mais aussi du poids croissant de la Chine dans les institutions économiques et commerciales internationales, cette tendance ne fera que se confirmer dans les prochaines années, et si le dialogue UE-Chine sera de plus en plus fort, la relation bilatérale que Beijing entretient avec les États membres n’en sera que plus affaiblie. Pour autant, de par ses caractéristiques et sa complémentarité avec la puissance économique chinoise, la France dispose d’atouts. Par ailleurs, Beijing a identifié la France comme étant l’une des locomotives des initiatives européennes en matière de diplomatie mais aussi d’économie, et les plans de relance pour faire face à la crise économique en parallèle de la pandémie, portés par Emmanuel Macron et Angela Merkel, ont pour effet de renforcer aux yeux de Beijing la nécessité de consolider la coopération économique avec Paris.

 

*Barthélémy Courmont est maître de conférences à l’Université catholique de Lille, directeur de recherche à l’IRIS et responsable du programme Asie-Pacifique.

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