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Un grand témoin pour le grand événement de la CIIE

2019-12-04 14:32:00 Source:La Chine au présent Auteur:JULIEN BUFFET
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Le 12 janvier 2015, le « Pavillon de l’expérience du futur » de Saint-Gobain a été inauguré à Shanghai.

 

En cette fin d’année, il n’aura échappé à personne que le temps politique qui scande la relation sino-européenne s’accélère au vu de la multiplication des déclarations, gestes forts et rendez-vous internationaux quasi-simultanés pour le dialogue sur les contours du multilatéralisme. D’un côté Macron sur la mort cérébrale de l’OTAN et Xi Jinping en Grèce puis au sommet des BRICS au Brésil. De l’autre, l’Exposition internationale d’importation de Chine (CIIE) et le Forum de Paris sur la Paix. En marge de la CIIE 2019 justement, le PDG de Saint-Gobain Pierre-André de Chalendar nous a accordé une interview exclusive au siège Asie-Pacifique de l’entreprise à Shanghai.

La CIIE et le libre-échange

Capitaine d’industrie qui a accompagné Emmanuel Macron dans son rendez-vous désormais annuel avec la Chine et serré la main de Xi Jinping, Pierre-André de Chalendar enchaîne davantage les réunions d’affaires que les repas mondains. Le rythme à Shanghai est effréné et tandis qu’il entre nous saluer dans son bureau du 17e étage avec vue sur le Bund, le patron de Saint-Gobain profite d’un répit de cinq minutes, montre en main, pour un repas debout avec une lunch box. Le style de ce grand patron est sans fioriture, franc et direct mais sachant toujours se ménager une réserve dans les propos tenus.

Saint-Gobain est la doyenne des entreprises de l’Hexagone et sans doute aussi l’une des plus représentatives de l’esprit d’ouverture vers le monde moderne, mais à la française. Au siège, la majorité des employés sont chinois, parfaitement anglophones ou francophones. Nous discutons avec les employés, l’ambiance est détendue, familiale même. La culture d’entreprise de Saint-Gobain s’adapte effectivement à la culture du pays d’accueil et dans un marché où les diplômés chinois ont une conscience aiguë de leur valeur, ici le taux de rotation n’est pourtant pas élevé. Il s’agit de l’illustration vivante du principe d’action de Saint-Gobain qui est de s’implanter dans le tissu socioéconomique local, d’autant que son activité s’y prête particulièrement comme le rappelle M. Chalendar : « D’une certaine façon, les marchés de la construction sont des marchés locaux, et donc on ne construit pas de la même façon partout. » De prime abord, le développement de réseaux locaux rend caduc l’intérêt à participer à une foire mondiale sur les importations telle que la CIIE. Dans les faits, il n’en est rien. « D’abord c’est une foire absolument gigantesque, une très belle vitrine pour le savoir-faire de Saint-Gobain. C’est un levier qui nous permet de renforcer nos liens avec nos partenaires, nos clients en Chine. Je trouve aussi qu’il y a une valeur très forte aujourd’hui dans le monde, cette volonté d’ouverture de la Chine faisant que Saint-Gobain se devait d’être présent. » Les perspectives de développement en Chine sont en effet gigantesques puisque le marché local représente 40 % du marché mondial de la construction. Pourtant, une autre interrogation surgit quant à l’intérêt pour l’entreprise de participer à la CIIE, puisque l’Asie-Pacifique ne correspond qu’à 5 % du chiffre d’affaire de Saint-Gobain. M. Chalendar explique très simplement ce paradoxe : « 40 % du marché de la construction est en Chine et ce n’est pas 40 % du marché de l’activité de Saint-Gobain. Il y a un certain nombre de nos grands métiers dans lesquels nous avons considéré que les conditions de compétitivité face à des entreprises d’État n’étaient pas réunies. Nous avons donc une stratégie qui est concentrée sur la valeur ajoutée que nous pouvons apporter. » Éclairée sous cet angle, la CIIE prend subitement une toute nouvelle dimension. Il n’est pas uniquement question d’importer des produits étrangers sur un marché chinois qui possède la plus large classe moyenne du monde, il s’agit aussi et surtout de se concerter sur les nouveaux cadres du libre-échange entre la Chine et le monde. Car si la Chine accepte d’ouvrir son marché aux entreprises étrangères, elle refuse de se faire imposer à nouveau des traités inégaux. Là où les Européens veulent aller vite, la Chine, consciente de sa force, avance donc à pas mesuré.

Jouer le collectif européen en Chine

Pierre-André de Chalendar est un témoin privilégié des discussions qui ont eu lieu entre les présidents Emmanuel Macron et Xi Jinping au cours de la CIIE 2019. Si nous osions filer la métaphore, nous pourrions dire que la construction de nouvelles relations internationales via la CIIE partage de nombreuses similarités avec le monde de la conception dans le BTP à travers la technologie du business information modeling (BIM). Au lieu de refaire les plans plusieurs fois en fonction de l’interlocuteur, la CIIE a le mérite de réunir tout le monde en même temps autour d’un projet commun et ce malgré des traditions culturelles et des manières d’agir différentes. Cela permet d’aller plus vite, de manière plus fiable et sûre tout en intégrant l’expérience chinoise.

De ce point de vue, la réunion franco-allemande des entrepreneurs à la CIIE est une innovation européenne bien acceptée, finalement, par la Chine. L’idée de cette grande première a été prise après la réunion Macron-Merkel du 16 octobre dernier pour afficher leur défense commune du fleuron Airbus suite à la sanction de 7,5 milliards de dollars infligée à l’Europe par les États-Unis et validée par l’OMC. Elle est aussi l’aboutissement du blocage dans les négociations avec Donald Trump en 2018 après l’échec cuisant de Jean-Claude Juncker dans sa tentative solitaire, dénoncée à l’époque par le ministre de l’Économie français Bruno Le Maire, d’arracher si ce n’est un accord, du moins un sursis.

Il existe ainsi un sentiment d’urgence, un impératif, que Pierre-André de Chalendar formule clairement comme étant celui d’une Europe qui doit réussir ou périr : « Les tensions qui existent actuellement entre les États-Unis et la Chine montrent de façon évidente le besoin d’une Europe qui s’affirme. Si l’Europe n’existe pas en tant que telle, alors oui, nous risquons d’être la variable d’ajustement des sujets de discussion entre les États-Unis et la Chine ». M. Chalendar a d’ailleurs ressenti un véritable enthousiasme des industriels allemands au cours de la réunion, à laquelle participait aussi le PDG allemand de BASF. Dès lors, un consensus semble s’être dégagé, entre Français et Allemand, sur l’impératif de « jouer collectif » dans le jeu international entre la Chine et les États-Unis et sur la manière de faire progresser le partenariat entre l’Union européenne et la Chine. « Ces revendications, c’est un peu ce qu’on appelle le “level playing field” », précise M. Chalendar. Sans être incompatible avec la formule chinoise du gagnant-gagnant, il s’agit pour la France et l’UE d’être en capacité de négocier d’égal à égal avec la Chine en montrant une cohérence politique et en présentant des revendications communes dont le sens général est « d’être traité de la même manière dont on traite [en Europe] nos partenaires chinois ».

Les discussions en cours vont de toute évidence dans le bon sens, puisque les investissements européens en Chine ne faiblissent pas, bien au contraire, y compris dans les domaines sensibles de l’intelligence artificielle qui touche tous les secteurs de l’industrie. Ici encore, la CIIE contribue à envoyer les bons messages au monde : « C’est intéressant de voir qu’il peut y avoir des échanges qui profitent à tous sur les différentes technologies. Vous savez, d’une manière générale sur les technologies, je suis frappé de voir à quel point la Chine a avancé vite. Aujourd’hui, souvent dans le domaine du digital, les nouveaux développements se passent d’abord en Chine et même souvent, actuellement, avant la Silicon Valley. » Ce développement de la Chine a des conséquences directes sur celui de l’Europe. La plus frappante est que 2,5 millions d’emplois sont directement liés aux exportations vers la Chine, dont 1,1 million en Allemagne et environ 300 000 en France.

La CIIE favorise le dialogue sino-européen

Afin d’être en mesure de négocier sur un pied d’égalité avec la puissance militaire américaine et la puissance commerciale chinoise, l’Union européenne souhaite faire entendre sa voix et apparaître comme « le tiers de confiance entre les États-Unis et la Chine. L’Europe peut agréger puissance et bonne volonté », selon Emmanuel Macron qui s’exprimait au Forum de Paris sur la Paix. Selon Pierre-André de Chalendar, ce nouveau discours porté par la France s’inscrit dans une dynamique sino-européenne décisive pour le monde : « Je pense qu’on doit recréer un nouvel ordre international qui favorise le commerce avec des règles qui soient, j’allais dire, plus équilibrées. Et je pense que c’est l’intérêt de tous et que nous devons avancer ensemble dans cette direction. C’est l’un des sujets importants de discussion entre l’Europe et la Chine en ce moment. » La CIIE 2019 offre ici un espace de dialogue supplémentaire entre le monde et la Chine qui a été mis à profit par Macron pour la préparation de l’accord final sino-européen sur les investissements, dont la signature est prévu en 2020, et effectuer des avancées décisives concernant une plus large reconnaissance de l’indication géographique protégée (IGP) par la Chine, ce qui sous-entend l’amélioration du respect du droit à la propriété intellectuelle.

De fait, la bonne entente entre la Chine et la France est un atout indéniable pour l’affirmation de l’Europe et la construction des relations avec la Chine à un niveau plus élevé. « La France a la chance d’avoir un président de la République qui déborde d’énergie, qui a une vision très forte pour son pays et qui a la volonté de construire l’Europe. Le fait qu’il ait un poids plus important est donc bon pour l’Europe et je m’en réjouis. » Ce soutien de Pierre-André de Chalendar à la politique internationale de Macron résume parfaitement le sentiment positif qui règne dans la communauté d’affaires française, et dans une certaine mesure étrangère aussi, à l’égard de la coopération qu’Emmanuel Macron construit avec Xi Jinping. Cela est particulièrement vrai dans la réforme de l’OMC, objet de discussion à la CIIE 2019. Selon le PDG de Saint-Gobain, cette réforme sera non seulement l’occasion de voir la Chine et l’UE jouer un rôle capital dans la modification de son fonctionnement et la préservation de sa structure, mais répondra aussi à terme aux « préoccupations des Américains qui ne sont pas toutes illégitimes », pourvu que ces derniers cessent de jouer le jeu dangereux du protectionnisme et de l’unilatéralisme.

Dans l’esprit de Pierre-André de Chalendar, il ne fait aucun doute que la prospérité partagée du monde a été permise par la grande ouverture du commerce international qui a vu une croissance forte ces 30 dernières années. Mais la situation actuelle exige un niveau d’implication plus important de tous les acteurs mondiaux, anciens comme nouveaux, et à ce titre, la CIIE 2019 a pleinement convaincu le capitaine d’industrie français qui conclut : « Je crois que l’exposition à laquelle j’ai participé et la manière dont le président Xi Jinping aborde ces sujets me laissent tout à fait optimiste sur la volonté de la Chine de jouer un rôle plus important dans le commerce mondial. Et je crois que la Chine a conscience qu’il faut que ce soit équilibré. »

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