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L’investissement chinois progresse en Amérique latine dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route »

2019-04-02 16:23:00 Source:La Chine au présent Auteur:LUIS ALBERTO LACALLE
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La coopération sino-argentine n’a jamais été aussi fructueuse. La Chine est désormais le deuxième partenaire commercial de l’Argentine.  (PHOTO : YU XIANGJUN) 

 
LUIS ALBERTO LACALLE*

 

L’initiative « la Ceinture et la Route », lancée il y a six ans par le président chinois Xi Jinping, demeure aujourd’hui le plan d’investissement le plus ambitieux au monde. Elle offre en effet des opportunités sans précédent, qui seront propices à la prospérité, et qui se traduisent par le développement des liens commerciaux et la création d’emplois. Cependant, afin de réaliser les aspirations les plus audacieuses du programme, les pays d’Amérique latine participants, dont l’Uruguay, doivent également s’efforcer d’entreprendre, sur leur territoire national et en coopération avec la Chine, des politiques complémentaires favorables à une croissance économique responsable et durable.

 

L’initiative « la Ceinture et la Route » est un programme économique global estimé à 1 000 milliards de dollars, qui met en relation la Chine et une centaine de pays partenaires représentant ensemble un tiers du PIB mondial et près de deux tiers de la population globale. Elle vise cinq grands objectifs, à savoir : coordonner les politiques ; favoriser la connectivité ; promouvoir le libre-échange ; intégrer les marchés financiers ; et établir des réseaux de relations multilatérales et bilatérales en rapprochant les peuples. À la différence des modèles de développement traditionnels qui recourent aux conditionnalités et misent sur les réformes institutionnelles, cette initiative chinoise se veut une approche guidée par l’investissement qui se focalise sur les infrastructures, le commerce et l’emploi. La Chine a déjà investi plus de 80 milliards de dollars dans cette initiative depuis son lancement. Comme l’a fait remarquer la Banque mondiale, il se peut que l’investissement massif déployé dans le cadre de « la Ceinture et la Route » « transforme l’environnement économique dans lequel opèrent les économies du monde. »

 

Initialement, les régions géographiques prioritaires étaient situées le long des anciennes Routes de la Soie terrestre et maritime. Mais à compter de 2018, les plans ont évolué pour inclure l’Amérique latine. La Chine a proposé d’investir 250 milliards de dollars en Amérique latine sur la prochaine décennie. Une aubaine qui devrait permettre de trouver plus facilement les fonds pour financer les projets d’infrastructures les plus urgents, à l’heure où les États-Unis, historiquement principal intervenant dans la région, se détournent des pays latino-américains. Les projets proposés dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route » incluent l’aménagement d’un nouveau port au Pérou et le passage de câbles sous-marins de fibre optique entre la Chine et le Chili, ce qui facilitera la connectivité et favorisera la prospérité pour les deux pays.

 

Les dirigeants des pays latino-américains ont accueilli favorablement l’initiative « la Ceinture et la Route », celle-ci s’inscrivant dans la continuité de leurs relations déjà solides. Depuis 2005, la Chine a alloué près de 150 milliards de dollars de financements interétatiques à cette région. Cette somme comprend l’argent investi dans des projets d’infrastructures, tels que des routes au Costa Rica, des voies ferrées en Argentine et un port à Trinité-et-Tobago. En 2015, l’ambassadeur de Bolivie en Chine a déclaré que l’initiative « la Ceinture et la Route » était « extrêmement importante pour le développement futur de la Bolivie ». Ultérieurement, le Pérou, l’Équateur, l’Argentine, le Panama, Trinité-et-Tobago, Antigua-et-Barbuda et l’Uruguay ont tenu des propos similaires lors de déclarations publiques, affirmant une position tout aussi favorable. Les pays d’Amérique latine espèrent ainsi bénéficier d’une hausse des investissements dans les infrastructures.
 
Zone d’exposition de l’Uruguay à la première Exposition internationale d’importation de Chine, en novembre 2018 à Shanghai

 

L’année dernière, à l’occasion du trentenaire des relations sino-uruguayennes, l’Uruguay est devenu le premier pays du Mercosur à signer un accord avec la Chine dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route ». La Chine est le premier partenaire commercial de l’Uruguay, celle-ci achetant 27 % des exportations uruguayennes, principalement des produits agricoles tels que du bois, du bœuf, du mouton et de la laine. Les ports uruguayens font office de zones de pêche et d’expédition stratégiques pour les entreprises chinoises. Montevideo, la capitale de l’Uruguay, héberge le meilleur port d’Atlantique Sud, soumis de surcroît à une législation digne d’un « port franc », de telle sorte que les marchandises qui arrivent en ce lieu peuvent être réacheminées vers d’autres destinations comme le Paraguay, la Bolivie, l’Argentine et le Brésil : c’est d’ailleurs le cas de la moitié de la cargaison réceptionnée à cet endroit. Quant à Nueva Palmira, un autre port d’Uruguay situé à l’embouchure des fleuves Paraná et Uruguay, il est devenu le port privilégié pour les exportations et les importations en provenance ou à destination du Paraguay et de la Bolivie.

 

Dans les rues de Montevideo, les voitures made in China de modèle Lifan 620 sont légion parmi les chauffeurs de taxi. Par ailleurs, les étudiants participent aux échanges culturels entre les deux pays ; l’année dernière en Uruguay, un institut Confucius a ouvert ses portes. L’importance des relations sino-uruguayennes se reflète aussi à travers les visites d’État de haut niveau entre hauts fonctionnaires des deux pays, par exemple, ma visite en qualité de président de l’Uruguay en 1993 ou encore la visite du président Xi Jinping l’année dernière après la tenue du Sommet du G20 de 2018 en Argentine. À l’heure actuelle, la Chine et l’Uruguay envisagent communément de collaborer sur certaines questions prioritaires : le changement climatique, la gouvernance économique, le Programme de développement durable à l’horizon 2030 défini par les Nations Unies (ou Agenda 2030), le maintien de la paix et la coopération Sud-Sud. Ainsi, l’initiative « la Ceinture et la Route » contribuera au développement des rapports entre les deux pays.

 

L’Uruguay a fait le choix de prendre part à l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » pour diverses raisons, bénéfiques aux deux parties. Fernando Lugris, ambassadeur d’Uruguay en Chine, a souligné deux d’entre elles. D’une part, le secteur agricole avancé en Uruguay profitera d’un accès facilité au marché chinois pour la vente de ses marchandises. D’autre part, les entreprises chinoises pourront tirer parti de la localisation stratégique de l’Uruguay pour s’en servir de « passerelle vers l’Amérique latine » et de centre logistique afin de renforcer leur présence sur le marché sud-américain. Toutefois, les deux pays reconnaissent qu’il y a lieu d’étendre la coopération dans l’agriculture, l’énergie propre, les communications, l’exploitation minière, la fabrication et la finance sur le territoire national, en vue d’atteindre des retours sur investissement les plus élevés possible.

 

À vrai dire, l’Uruguay jouit d’une position unique lui permettant de maximiser les avantages tirés des investissements émis dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route ». Depuis longtemps déjà, l’Uruguay se classe parmi les pays où le PIB par habitant est extrêmement élevé à l’échelle de la région. Deuxième pays accueillant le plus de navires de transport frigorifique au monde, le pays dispose d’une expertise considérable dans ce domaine, puisque Montevideo est une zone de pêche mondiale. En matière d’innovation, l’Uruguay se positionne en leader dans les technologies de l’information et de la communication, ainsi que dans les technologies vétérinaires et génétiques. À l’échelle du globe, il figure parmi les sept pays les plus avancés dans le numérique. En outre, dans les indices internationaux mesurant le respect des valeurs démocratiques, il est l’un des pays les mieux notés de tout le continent américain. Tous ces faits montrent bien que l’Uruguay est un pays stable et attractif pour les investisseurs.

 

En dépit des opportunités offertes par l’initiative « la Ceinture et la Route », l’Uruguay et les autres pays d’Amérique latine doivent s’engager vers l’avenir en gardant à l’esprit certaines considérations.

 

Premièrement, les pays doivent être disposés à débloquer les investissements nécessaires pour compléter l’apport chinois. Pour l’Uruguay, cela peut se traduire par l’introduction de programmes modernes favorables à la compétitivité commerciale, notamment la réduction des barrières réglementaires, excessivement complexes et pesantes pour les petites et moyennes entreprises chinoises.

 

Deuxièmement, les rapports révélant l’endettement lourd dont souffrent certains pays du fait d’emprunts trop ambitieux via le programme « la Ceinture et la Route » rappellent le besoin de conservatisme financier et de diversification économique. L’Amérique latine, qui dans son histoire a longtemps subi l’ingérence des États-Unis au nom de la doctrine de Monroe, devrait veiller à ne pas emprunter à l’excès, ce qui implique un risque de grande dépendance. À la place, les pays d’Amérique latine, dont l’Uruguay, ont tout intérêt à trouver d’autres financeurs ou à puiser dans les caisses de l’État pour compléter les investissements directs à l’étranger dirigés vers les projets d’infrastructure.

 

Troisièmement, au vu de la vulnérabilité de l’Amérique latine face au changement climatique, les pays doivent être avisés des conséquences environnementales que les projets de l’initiative « la Ceinture et la Route » sont susceptibles d’engendrer. Historiquement, les industries extractives et les produits de base ont toujours constitué la pierre angulaire des relations commerciales entre la Chine et l’Amérique latine. Toutefois, à l’heure où toutes les parties s’engagent toujours plus activement à lutter contre le changement climatique, comme nous avons pu le voir avec la ratification de l’Accord de Paris par l’Uruguay et la Chine, il est possible de trouver un terrain d’entente en explorant les possibilités d’investissement dans des projets à la fois viables et respectueux de l’environnement, en particulier dans le secteur agricole uruguayen si vaste.

 

Bien que ces trois questions ne constituent pas des enjeux de taille, les pays d’Amérique latine doivent prendre note des leçons susmentionnées pour atteindre un plein succès dans le cadre de l’initiative « la Ceinture et la Route ». Alors que la Chine renoue progressivement avec son importance internationale, il est impératif pour les autres pays de mieux comprendre cette nation et d’identifier les éventuelles opportunités de collaboration avec elle.

 

Depuis sa fondation en 1983, le Conseil InterAction, un groupe d’anciens dirigeants internationaux dont je suis membre, accorde la priorité à la revitalisation économique. Cela passe par l’identification de politiques permettant d’accroître l’aide aux pays qui bénéficieront de la hausse des investissements. Selon nous, croissance et équité ne sont pas des notions contradictoires. La Chine, pays où s’est déroulée notre dernière session plénière du Conseil, partage cet avis à travers son initiative « la Ceinture et la Route ». Nous tenons en haute estime l’opinion du président Xi, qui considère que le libre-échange est le meilleur moyen d’assurer la prospérité de tous les pays et que l’optimisation logistique est le meilleur moyen de concrétiser cette affirmation. Au fil des collaborations entre la Chine et les pays partenaires de l’initiative « la Ceinture et la Route », nous admirons la vision du président Xi appelant à construire une communauté de destin pour l’humanité. Par le biais de cette initiative chinoise, l’Amérique latine se voit offrir une opportunité de resserrer ses liens avec tous les membres de cette communauté.
 
*LUIS ALBERTO LACALLE a été président de l’Uruguay de 1990 à 1995.

 

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