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Une initiative commune Chine-UE contre le changement climatique

2019-01-03 12:52:00 Source:La Chine au présent Auteur:EDMOND ALPHANDÉRY
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Un programme de chauffage géothermique dans le district de Lankao, dans le Henan, permet d’économiser
chaque année 8 000 tonnes de charbon et de réduire plus de 10 000 tonnes d’émission de CO2.
 
 
EDMOND ALPHANDÉRY*

 

La mondialisation galopante favorise l’émergence d’une communauté de destins qui touche tous les peuples du monde. En témoigne ce défi majeur qu’affronte l’humanité, à savoir le changement climatique. Sur cette question, Européens et Chinois ont beaucoup de choses à partager.

 

Malgré les initiatives engagées dans de nombreux pays pour réduire les émissions de carbone, le monde ne parvient pas à faire baisser la trajectoire du réchauffement planétaire qui se situe à plus de 3 °C par rapport à l’ère préindustrielle, bien au-dessus de l’objectif fixé par la COP21. Sans un puissant dispositif qui accélère la réduction des émissions de carbone, le réchauffement climatique continuera à engendrer des conséquences désastreuses, à commencer par la multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes, à donner lieu à des migrations massives, elles-mêmes sources d’instabilité géopolitique, le tout mettant en péril la vie sur notre planète.

 

Le 16 juillet dernier à Beijing, lors du 20e Sommet Chine-UE, les deux parties ont célébré le 15e anniversaire de leur partenariat stratégique global. À cette occasion, elles ont reconnu l’urgence d’apporter une réponse au changement climatique et l’importance de mettre pleinement en œuvre l’Accord de Paris.

 

Il faut reconnaître que la Chine s’est donné des objectifs ambitieux de lutte contre les émissions de CO2. À titre d’illustration, elle a lancé le 19 décembre 2017 le plus grand mécanisme d’échange de droits d’émission de carbone (un marché du carbone) au monde. Depuis 2011, année marquée par la mise en place en Chine de marchés pilotes du carbone à l’échelle locale, le niveau du prix du carbone est resté faible : moins de 30 yuans (4 euros) la tonne. Mais dans une déclaration en date de décembre 2017, le chef adjoint du service « changement climatique » à la Commission nationale du développement et de la réforme a indiqué que le prix du carbone en Chine devrait augmenter jusqu’à 200-300 yuans. Il espérait alors qu’un tel niveau pourrait être atteint en Chine d’ici 2020.

 

Côté UE, les autorités européennes ont adopté à la fin de l’année dernière un programme dont l’objectif consiste à réduire de 40 % les émissions de carbone par rapport aux niveaux observés en 1990. En 2008, le prix du carbone oscillait autour de 240 yuans (30 euros) la tonne. Depuis cette date, il a baissé : il n’était plus qu’à 28 yuans (3,50 euros) en 2013 et à moins de 64 yuans (8 euros) fin 2017. Néanmoins, depuis le début de l’année 2018, en raison des récentes décisions mises en œuvre, le prix du carbone connaît une hausse constante. Il a même atteint 200 yuans (25 euros) la tonne. Toutefois, celui-ci a déjà fléchi à 171 yuans (22 euros). Impossible d’être certain que le niveau actuel sera maintenu. Nous avons déjà été témoin par le passé de déséquilibres du système d’échange de quotas d’émission (ETS) conduisant à un fléchissement des cours. Un nouvel effondrement du prix est une éventualité qui n’est pas à exclure.

 

Jusqu’à présent, l’UE a privilégié le contrôle des émissions de carbone en imposant des quotas sur les volumes, plutôt qu’en agissant sur le prix du carbone. Adresser à tous les émetteurs de carbone le signal qu’ils vont devoir payer à proportion de leur volume d’émissions est pourtant le dispositif le plus puissant qui soit pour les réguler. Il est regrettable que l’UE n’y ait pas recours.

 

Nous savons maintenant que ce mécanisme de prix est efficace. En témoigne le Royaume-Uni qui a fixé un prix du CO2 dans son budget pour l’année 2011, une mesure entrée en vigueur en 2013. Entre 2012 et 2015 les émissions de CO2 y ont été réduites de 15 %. En comparaison sur la même période, le reste de l’UE n’a enregistré qu’une baisse de 5 %.

 

Partout dans le monde, l’idée se répand de l’utilisation du prix du carbone pour en réguler les émissions. De nombreuses initiatives ont été prises dans ce sens, notamment au Canada, aux États-Unis et dans les pays nordiques. La Banque mondiale a même mis en place une coalition de leaders pour un prix du carbone (Carbon Pricing Leadership Coalition) afin de rassembler tous les acteurs, publics et privés, qui considèrent que cibler un prix du carbone constitue la meilleure arme disponible pour lutter contre le réchauffement planétaire.

 

Il n’est pas nécessaire de faire appel au mécanisme des prix. Si le prix du carbone est plus élevé, les activités émettant de fortes quantités de gaz à effet de serre (GES) seront naturellement plus coûteuses que celles dont l’empreinte carbone est faible, voire nulle. Augmenter le prix du carbone est à l’évidence le meilleur moyen d’inciter producteurs et consommateurs à s’orienter vers des produits plus économes en carbone, voire à « zéro carbone ».

 

Si l’UE souhaite atteindre ses objectifs en matière de lutte contre le réchauffement climatique et conserver sa longueur d’avance dans ce domaine, il est temps pour elle d’amorcer un changement de paradigme au profit d’un système fondé sur le prix du carbone. Elle devrait mettre en place un mécanisme tel qu’à partir du contrôle des quotas d’émissions disponibles sur le marché du carbone (ETS), le prix du carbone ne tombe pas en-dessous d’un certain plancher dont l’évolution dans le temps pourrait être planifiée longtemps à l’avance.

 

Nous devons surmonter les résistances politique et sociale qui se manifestent face au ciblage du prix du carbone. Soyons réalistes : les structures économiques devront inévitablement s’adapter à la transition énergétique, et il est préférable que les divers secteurs procèdent à ces transformations de manière progressive dans un environnement tarifaire prévisible qui, contrairement aux idées préconçues, serait propice à la croissance économique et à la création d’emplois.

 

Afin d’encourager les autorités européennes à opérer ce changement de paradigme vers un système régulé autour d’un objectif de prix du carbone, des personnalités issues de la société civile, qu’elles soient du monde des affaires ou de la communauté universitaire, et des responsables politiques ont mis en place une task force qui entend promouvoir l’émergence d’une politique de transition énergétique en Europe plus efficace qui repose sur l’utilisation de l’ETS pour attribuer au carbone un prix significatif.

 

Au moment où la Chine inaugurait son marché du carbone en décembre dernier, Miguel Arias Cañete, commissaire européen chargé de l’action pour le climat, a affirmé dans une déclaration publiée à Bruxelles : « À l’heure où le gouvernement américain tourne le dos à la lutte contre le changement climatique, la Chine, l’UE et beaucoup d’autres encore vont de l’avant… S’engageant dans le système d’échanges de droits d’émission, les deux acteurs internationaux majeurs que sont l’UE et la Chine se font les fervents défenseurs du marché du carbone pour honorer leurs engagements pris dans le cadre de l’Accord de Paris en maîtrisant leurs émissions de manière efficace. »

 

Le 16 juillet 2018 à Beijing, les dirigeants chinois et européens présents ont réaffirmé leur volonté d’intensifier leur coopération pour lutter contre le réchauffement climatique et promouvoir les énergies renouvelables. Il s’agit là d’une très bonne nouvelle ! Le contenu de leur coopération comporte d’excellentes initiatives qui sont les bienvenues. Qu’il me soit permis d’en ajouter une qui, selon moi, améliorerait radicalement l’efficacité de la lutte contre le réchauffement climatique. Car la résistance à laquelle on assiste dans divers pays du monde, dès lors qu’il s’agit de cibler le prix du carbone, vient du fait que les entreprises en craignent les conséquences en matière de compétitivité relative. L’heure est donc venue de définir des conditions de concurrence équitable en la matière à travers le monde.

 

Pourquoi ne pas envisager une initiative dont l’ambition est à la hauteur de son impact potentiel ? Si l’UE et la Chine décidaient de s’engager dans un protocole selon lequel les deux parties accepteraient de faire converger vers un même objectif un prix du carbone fixé dans chacun des deux blocs, avec un tarif progressivement élargi à tous les émetteurs de CO2, elles lanceraient un signal particulièrement fort au reste du monde. À l’heure où, aux États-Unis, l’administration Trump cède à la tentation isolationniste, une telle initiative aurait pour effet de renforcer les liens entre l’Europe et la Chine. Ensemble, elles montreraient leur haute prise de conscience de cette menace qui pèse sur l’humanité, et afficheraient leur détermination à affronter la main dans la main, avec courage et efficacité, ce défi majeur de notre temps.

 

*EDMOND ALPHANDÉRY a assumé la fonction de ministre français de l’économie de 1993 à 1995.

 

(La version anglaise de l'article est publiée pour la première fois sur China Watch. ) 

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