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M. Raffarin : l’Occident doit trouver la clé pour décoder la Chine

2019-03-04 15:41:00 Source:La Chine au présent Auteur:LI YONGQUN
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1er et 2 novembre 2018, un stand de livres lors du Forum international sur

la réforme et l’ouverture et sur la réduction de la pauvreté en Chine à Beijing 

 

LI YONGQUN*  

Le 21 mars 2018, lors d’une audition face au Sénat sur le thème de « la Ceinture et la Route », Jean-Pierre Raffarin, fin connaisseur de la Chine, s’est exprimé en ces termes : « [Les Chinois], après avoir disparu pendant la révolution industrielle, […] reviennent au premier rang des nations du monde. » Il s’agit là d’un constat avisé des accomplissements réalisés par la Chine au fil de ses 40 années de réforme et d’ouverture. Personne dans le monde occidental, pas même Joseph Needham, ne s’était attendu à ce que la Chine connaisse un tel essor. 

En tant que témoin et avocat des bons résultats de cette politique chinoise de réforme et d’ouverture, qu’il suit de près depuis sa mise en place il y a 40 ans, M. Raffarin a appelé les sénateurs français à appréhender l’initiative de « la Ceinture et la Route » en la replaçant dans la stratégie globale chinoise qui vise le grand renouveau du pays : « En Europe, nous ne prenons pas suffisamment au sérieux le projet ‘‘la Ceinture et la Route’’. Marguerite Yourcenar faisait rêver l’empereur Hadrien sur la puissance des marchands. L’histoire de la Route de la Soie a nourri notre imaginaire. Aujourd’hui, la Chine parle réalité et l’Europe se limite à la curiosité. » 

Il faut aller en Chine 

En diverses occasions, M. Raffarin a exprimé le point de vue suivant : « On doit commencer par aimer la Chine et les Chinois pour travailler avec eux. » 

En 1971, M. Raffarin, âgé de 23 ans, a visité pour la première fois les régions chinoises de Hong Kong et Macao, sans pour autant fouler la partie continentale de la Chine. Les villes côtières de Shenzhen et Zhuhai, en face, il ne pouvait les observer qu’au travers d’une longue-vue. Pour lui, la partie continentale de la Chine était alors nimbée de mystère. Peut-être a-t-il hérité, en tant que Français, de « l’esprit de Voltaire », avec ce même attachement pour l’exotisme, car M. Raffarin s’est rapidement fasciné pour cette lointaine contrée d’Orient. Cinq ans plus tard, son vœu a été exaucé : il a exploré successivement Beijing, Harbin, Shanghai et Guangzhou. « J’ai ressenti un coup de foudre pour la Chine. » Et outre son engouement débordant pour ce pays, il pressentait vaguement son fort potentiel de développement futur. » Après bien des années, M. Raffarin se rappelle encore de ce voyage en Chine qui l’avait profondément impressionné. Il se souvient notamment qu’à l’époque, malgré les conditions de vie bien plus rudimentaires qu’aujourd’hui, les jeunes demeuraient très enthousiastes et énergiques. 

Le 7 avril 2018, lors de la cérémonie de début de tournage du documentaire 40 ans de témoignage de la réforme et de l’ouverture au Guangdong organisée à la bibliothèque de Guangzhou, M. Raffarin a déclaré : « Le Guangdong est une importante fenêtre permettant à la Chine de présenter au reste du monde les succès de sa politique de réforme et d’ouverture. » Et d’ajouter : « Je suis l’un des mieux placés pour en témoigner. » 

À propos de Shenzhen, premier champ d’expérimentation de la réforme chinoise, M. Raffarin a rappelé un fait intéressant : dans les années 1970, la ville de Châtellerault (32 000 habitants à l’époque) a entrepris des démarches en vue d’être jumelée à Shenzhen (30 000 habitants à l’époque). Mais déjà en ce temps-là, René Monory, chargé des négociations pour cette procédure, prédisait avec clairvoyance le développement de la Chine. C’est pourquoi il a pensé judicieux que Shenzhen noue plutôt des relations d’amitié avec tout le département de la Vienne (dont Châtellerault fait partie), qui dénombrait alors 380 000 âmes. Aujourd’hui, 40 ans plus tard, le nombre de résidents à Châtellerault est passé à 45 000, alors que la population à Shenzhen a dépassé les 7 millions de personnes ! Cette anecdote a vivement marqué M. Raffarin. Pour lui, elle reflète à elle seule l’écart entre les changements survenus en Chine et en France au cours des 40 dernières années. C’est pourquoi, selon lui, « il faut aller en Chine ». 

En 2003, malgré l’épidémie de SRAS qui paralysait la Chine, M. Raffarin n’a pas cessé de se rendre en Chine, partant du principe qu’« un ami dans le besoin est toujours un ami ». Après cet épisode, le gouvernement chinois a lancé le projet de construction d’un laboratoire P4, introduisant dans le pays des technologies et équipements issus des laboratoires français de cette catégorie. Début 2015, le tout premier laboratoire P4 sur le continent asiatique était enfin bâti à Wuhan. Cet établissement est destiné à mener des recherches et manipulations scientifiques relatives aux maladies infectieuses très graves. À ce jour, ces laboratoires totalement hermétiques et sous haute surveillance assurent un niveau de protection ultime face aux micro-organismes pathogènes. 

Comprendre la Chine depuis l’Occident 

Après sa démission de sa fonction de premier ministre, M. Raffarin est devenu président de la Fondation Prospective et Innovation, qui a pour activités principales d’étudier, de comprendre et de présenter la Chine à dessein de promouvoir le développement stable des relations sino-françaises. Depuis 2006, la Fondation organise chaque année, vers fin août ou début septembre, un colloque de haut niveau sur la Chine à Poitiers, ville natale de M. Raffarin. Ce colloque rassemble à chaque édition des membres du gouvernement français, des parlementaires, des ambassadeurs de France à l’étranger, d’anciennes personnalités politiques, des experts, des universitaires et des chefs d’entreprise. M. Raffarin investit beaucoup de temps et d’énergie en Chine et pour lui, deux convictions l’expliquent : tout d’abord, il a toujours pensé qu’il est possible de représenter la France à l’étranger même sans être au pouvoir, sans soulever des quelconques contestations ; ensuite, il a conscience que les mandats en politique sont de courte durée, alors qu’une carrière diplomatique peut et doit s’inscrire dans la durée, en particulier dans le cas de la Chine. 

Depuis une dizaine d’années, à l’initiative de la Fondation Prospective et Innovation, les grands pontes de tous milieux, de France ou d’autres pays européens, se réunissent à intervalles réguliers pour rendre compte du développement de la Chine, revenir sur l’histoire de ce pays et y rechercher des opportunités, afin d’envisager le futur des relations sino-françaises. Le nouveau partenariat Chine-France, la Chine et le monde après 2020, la communauté de destin entre la Chine et les BRICS, le rôle de la Chine dans la gouvernance mondiale, la croissance verte de la Chine... Ce sont autant de thèmes traités à l’occasion de ces colloques annuels, qui laissent entrevoir non seulement une certaine inquiétude quant à la prodigieuse transformation de la Chine depuis la réforme et l’ouverture, mais aussi un véritable désir de renforcer la coopération sino-française et la compréhension mutuelle. 

Comme l’a résumé M. Raffarin, sur cette dernière décennie, le forum a tissé, à l’échelle européenne, tout un réseau de liens d’amitié avec la Chine. Les discussions échangées lors des colloques permettent aux participants de mieux comprendre le rôle de la Chine dans le monde et la nature des relations sino-françaises. Ces rencontres servent, fondamentalement, de « pôle de réflexion » invitant au partage des idées, tout le monde pouvant s’exprimer librement, qu’il y ait accord ou désaccord, dès lors que la communication se déroule selon le principe du respect mutuel. Parallèlement, entre 2010 et 2018, M. Raffarin a siégé au Conseil d’administration du Forum de Boao pour l’Asie, qui accueille chaque année des délégations économiques et commerciales françaises et européennes de haut niveau. Cet événement offre des occasions de s’entretenir avec les dirigeants chinois présents, faisant ainsi office de pont de communication et d’échanges entre les deux pays, élevé aux plus sphères politiques et économiques. 

En juillet 2015, la Fondation Prospective et Innovation a publié l’ouvrage Faire équipe avec la Chine, rédigé par M. Raffarin. Il affirme dans ce livre que l’Occident s’est toujours mis en tête d’utiliser son propre statu quo comme grille d’évaluation de la Chine, sans imaginer que les changements en cours auraient pour conséquence de combler l’écart entre les régions, mais bien plus encore. M. Raffarin insiste également sur la nécessité de l’Occident de dresser le bilan des enseignements appris à travers sa propre expérience de gouvernance mondiale, afin de trouver la clé pour décoder la Chine. 

Étudier la Chine à la lumière des œuvres de Xi Jinping 

M. Raffarin a proposé, comme moyen efficace pour décoder et comprendre la Chine, d’étudier les points de vue éclairés des dirigeants chinois. La version française de l’œuvre de Xi Jinping, intitulée La gouvernance de la Chine, a été officiellement distribuée en France le 13 janvier 2015 par les Éditions du centenaire. M. Raffarin a commenté : « Ce livre est une mine d’informations sur ce que souhaite le président Xi Jinping. La collection de ses discours permet d’identifier les thèmes récurrents et les références constantes ce qui nous autorise au fil des pages à faire la différence entre l’essentiel et le subalterne. Il n’est pas si courant qu’un chef d’État en exercice écrive noir sur blanc ses ambitions et ses convictions, ses idées et ses projets. » 

M. Raffarin a également formulé, après lecture de ce livre, la critique positive suivante : « Des objectifs clairs qui inspirent la nation entière. » Dans un article, il a déclaré que cet ouvrage répond de manière exhaustive aux principaux enjeux théoriques et pratiques liés au développement auxquels la Chine est confrontée dans le contexte de la nouvelle ère. Entre les lignes se dessinent les ambitions politiques d’un chef d’État, ses idées concernant la gouvernance du pays, ses grands projets et son sens des réalités. 

Comme l’a fait remarquer M. Raffarin, le développement économique de la Chine est récemment entré dans une « nouvelle normalité », source de nombreux bouleversements et défis. La Chine doit atteindre une croissance économique de qualité, dans laquelle innovations et technologies doivent aller de pair. Dans son livre, Xi Jinping cite l’écrivain français Victor Hugo : « Les créations accomplies sont insignifiantes par rapport à ce qu’il reste à créer. » Une façon d’encourager la jeune génération chinoise à faire preuve de créativité. En outre, M. Raffarin est d’avis que La gouvernance de la Chine, qui traite de la Chine tout en examinant le monde actuel, donne à la communauté internationale les clés lui permettant de considérer, appréhender et comprendre la Chine selon une approche plus globale, plus objective et plus rationnelle. 

M. Raffarin a conclu : « Le président Xi inscrit sa diplomatie dans la tradition, tout en multipliant les initiatives nouvelles. La Chine vient de montrer ses nouvelles ambitions. » Selon lui, Xi Jinping a démontré sa capacité à s’adapter rapidement à la situation internationale et il amènera certainement la Chine à jouer un rôle majeur sur la scène mondiale. En ce qui concerne les idées diplomatiques du chef d’État chinois, M. Raffarin retient en priorité les prises de position de la Chine en faveur du multilatéralisme et pour la défense du rôle des Nations Unies, cruciaux pour l’équilibre du monde. Quant à l’initiative « la Ceinture et la Route » avancée par le président Xi, qui révèle toute l’importance que celui-ci attache à la stratégie Europe-Asie, elle insuffle une nouvelle vitalité au développement du monde.

 

*LI YONGQUN est correspondant en chef en France pour Le Quotidien du Peuple.

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