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La cyberboutique d’un jeune Russe

2018-06-05 15:38:00 Source:La Chine au présent Auteur:LIU ZHUORAN*
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Success-story d’un jeune Russe qui, après avoir étudié le chinois un peu par hasard, a développé diverses activités rémunératrices en Chine.
 

 

Artem Zhdanov (3e à gauche) visite une entreprise chinoise avec des commerçants russes.

 

«Bonjour, je suis en ligne, que puis-je faire pour vous ? » Artem Zhdanov a l’habitude de taper cette phrase en chinois sur son clavier. Et bien souvent, la question qui lui est posée est la suivante : « Votre boutique a-t-elle réellement été fondée par un étranger ? » Voilà quatre ans que cette boutique est ouverte, période au cours de laquelle Artem a acquis des compétences hors pair pour communiquer avec les clients sur Taobao et remporter une manne d’argent. Aujourd’hui, ce jeune Russe né dans les années 1990 porte trois casquettes, toutes tissées dans les mailles de la Chine : bloggeur pour EKD.ME (première page personnelle de réseau social destinée à présenter la Chine aux internautes russes), partenaire fondateur de la société de conseil UCHINA et propriétaire de la cyberboutique LAOWAI ME proposant à la vente des produits culturels et créatifs via Taobao.

 

Apprendre le chinois pour éviter le chômage

 

À l’âge de 18 ans, Artem a choisi d’apprendre le chinois, pour le plus grand soulagement de ses parents qui considéraient les études de sinologie comme une spécialité prisée sur le marché du travail. Un vieux dicton populaire en Chine préconise d’« étudier les sciences en se tenant prêt à parcourir le monde. » Mais pour les Russes aujourd’hui, leur credo est plutôt : « Il faut apprendre le chinois pour éviter le chômage. »

 

Artem est né en Sibérie, dans une ville « quasiment à égale distance d’ürümqi et de Moscou en avion », précise-t-il. Avant d’entamer ses études universitaires, Artem ne connaissait pas grand-chose sur cet étrange pays voisin qu’est la Chine, hormis Jackie Chan et la Grande Muraille, ainsi qu’un bon paquet de préjugés. « Par exemple, je pensais que tous les Chinois mangeaient du chien. » Par la suite, il a compris que parmi les informations qu’il avait reçues sur la Chine, nombreuses n’étaient que des renseignements biaisés et des idées préconçues.

 

Plus tard, le hasard l’a conduit à choisir le chinois comme spécialité à l’université. Il nous a expliqué : « Je voulais étudier les relations internationales. La plupart des étudiants dans ce cursus décident d’apprendre l’anglais, le français ou l’espagnol. Mais pour ma part, je préférais me consacrer à l’apprentissage d’une langue différente. C’est ainsi que j’ai opté pour le chinois. » Au terme de sa deuxième année universitaire, Artem a profité de ses vacances d’été pour partir pour la première fois de sa vie en Chine, et a sillonné pendant presque trois mois le Nord-Est du pays.

 

Un an plus tard, il y est retourné. Muni d’une carte SIM internationale et d’un dictionnaire électronique, il a atterri aux abords des monts Altaï, puis a traversé un pan du territoire kazakh pour atteindre ürümqi (chef-lieu du Xinjiang), puis Lanzhou, Xi’an, Zhengzhou, avant d’arriver enfin à Shanghai. Ce deuxième voyage a changé sa vie. Au cours de son séjour, il a ouvert un compte sur VK, le principal site de réseau social en Russie (l’équivalent de Facebook là-bas), à dessein de présenter aux jeunes Russes les mœurs et coutumes chinoises. En peu de temps, son compte intitulé EKD.ME a attiré une multitude de followers, si bien qu’aujourd’hui, il est suivi par une centaine de milliers d’internautes et est devenue la première page personnelle de réseau social faisant découvrir la Chine aux internautes russes.

 

Une fois son diplôme universitaire en poche, Artem est allé à Dongguan, dans la province du Guangdong, au sud de la Chine. Grâce à ses solides compétences linguistiques en russe, chinois et anglais, il a décroché successivement des postes dans des PME russes recherchant un collaborateur apte à les aider à communiquer avec leurs usines chinoises partenaires. Pendant son temps libre, il a continué à enrichir son compte EKD.ME. Progressivement, de plus en plus de PME ont commencé à prêter attention à ce compte qui gagnait en popularité et ont posé toutes sortes de questions à Artem, notamment : « Comment faire affaires avec les Chinois ? ou « Comment bien communiquer avec les usines chinoises ? ». En conséquence, il a fini par démissionner de sa fonction d’alors et par fonder la société de conseil UCHINA avec deux partenaires. « Je n’avais pas prévu que mon passe-temps évoluerait ainsi en un projet entrepreneurial », avoue-t-il.

 

Au début, la majeure partie de ses activités se cantonnait à la Russie. Des entreprises russes recouraient aux services d’Artem pour entrer en contact avec des fabricants chinois, afin de faire produire leurs marchandises en Chine avant de les vendre en Russie. Cependant, depuis fin 2014, la Russie traverse une crise financière et le rouble se dévalorise rapidement. Certaines entreprises russes ont vu leur coût d’achat en Chine doubler et ont été contraintes de renoncer à leurs opérations à l’étranger.

 

Dans ce contexte, Artem a dû ajuster sa stratégie en se tournant vers le marché américain. Actuellement, plus de 40 % de sa clientèle est basée aux États-Unis. Pour autant, il n’a jamais abandonné le marché russe, toujours à l’affût de nouvelles opportunités de croissance. « Auparavant, mes clients en Russie cherchaient majoritairement à importer des produits chinois. Désormais, c’est l’inverse : ils souhaitent plutôt vendre des produits russes à la Chine », explique-t-il.
 
Artem Zhdanov (à gauche) aide les commerçants russes à explorer le marché chinois.

 

La naissance de LAOWAI ME

 

L’histoire ne s’arrête pas là.

 

Il y a quatre ans, en naviguant sur Internet, Artem est tombé par hasard sur un tee-shirt populaire parmi les expatriés en Chine : sur le devant, il était imprimé en caractères chinois « l’étranger est venu » et au dos « l’étranger est parti ». Séduit, Artem en a acheté deux, mais il a été déçu par la qualité du tissu. Il s’est lancé dans une étude de marché et a constaté que la plupart de ce genre de produits culturels et créatifs ciblant les expatriés en Chine étaient de piètre qualité. Il a donc décidé de tenter sa chance dans ce domaine.

 

Dans un premier temps, Artem a commandé 200 tee-shirts pour les revendre via son compte VK, qui dénombrait alors plus de 40 000 followers. « En l’espace d’un mois, j’ai tout vendu et empoché une certaine somme. » Cette tentative réussie l’a encouragé à poursuivre sur cette voie. Il a alors créé sa boutique en ligne LAOWAI ME.

 

Après avoir enregistré son nom de domaine sur Internet, Artem a ouvert sa boutique sur Taobao. Il connaissait déjà ce site d’e-commerce lorsqu’il étudiait à l’université en Russie. Il explique : « Il y a dix ans, même si l’e-commerce n’avait pas encore vu le jour en Russie, une foule de jeunes Russes effectuaient des achats sur Internet depuis Taobao, par l’intermédiaire d’entreprises d’import-export. »

 

Mais c’est seulement à compter de son arrivée en Chine qu’Artem a compris véritablement l’importance du site Taobao. « Pour faire connaître sa marque auprès des clients, il est indispensable de créer une boutique sur Taobao. » Il a donc acheté la boutique d’un de ses amis chinois pour examiner les techniques de merchandising et d’expédition des produits, tout en assurant de temps à autre un service à la clientèle.

 

Il y a un an, Artem a sauté le pas et déposé sa marque LAOWAI ME, avec l’intention de se concentrer sur ses activités sur Taobao. Il est allé à la rencontre d’un professeur enseignant dans une université de Guangzhou pour voir avec lui si le mot chinois « laowai », qui signifie « étranger », était péjoratif, comme certains le laissent entendre. Ce professeur a consulté un épais dictionnaire et lui a répondu : il y a un siècle, le terme « laowai » comportait en effet une connotation hostile, mais ces vingt dernières années, particulièrement depuis les JO de Beijing en 2008, l’appellation « laowai » est employée par la population chinoise dans un sens neutre.

 

À vrai dire, voilà bien longtemps que les étrangers sont surnommés « laowai » en Chine et qu’ils le prennent bien. Artem nous a d’ailleurs raconté une anecdote à ce sujet. Une Américaine a acheté dans sa boutique LAOWAI ME un porte-

 

cartes sous forme de passeport, sur lequel sont imprimés quatre caractères chinois : « laowai huzhao », ce qui signifie « passeport d’étranger ». Cette consommatrice a commenté : « Je vais bientôt partir en voyage en Chine. J’ai bien envie de présenter ce passeport à l’aéroport, ce serait amusant ! »

Toutefois, le produit phare de LAOWAI ME demeure le tee-shirt sur lequel sont écrites trois expressions chinoises courantes : « Bonjour, merci, je ne comprends pas. » Un client américain a déclaré : « J’adore porter ce tee-shirt en Chine, je ne passe pas inaperçu au moins ! » Sur l’application Instagram, une femme a publié une photo d’elle vêtue de ce tee-shirt, avec en commentaire : « Ma fille n’a que 4 ans, mais je lui enseigne déjà le chinois ! »

 

D’après les données d’Artem, LAOWAI ME attire une clientèle non seulement d’étrangers, mais aussi de Chinois, dans une proportion 50/50. Que ce soit le tee-shirt, la tasse, le porte-cartes ou le magnet de frigo, tous ces petits articles disponibles dans la boutique, ordinaires de prime abord, mêlent habilement des éléments de la culture traditionnelle chinoise et des traits d’humour des expatriés. À la fois mignons et rigolos, ils plaisent à tous les jeunes passionnés par la culture chinoise, sans distinction de nationalité.

 

Créer son entreprise en Chine, à partir de rien

 

Si, au lieu d’arriver en Chine, Artem avait suivi les recommandations de son père, il serait peut-être aujourd’hui employé de la fonction publique dans sa ville natale. Mais maintenant qu’Artem a entrepris des affaires florissantes en Chine, il compte s’installer définitivement dans ce pays.

 

« Sur la liste établie par Forbes, les cent plus grandes fortunes de Russie sont toutes des magnats du pétrole et du gaz naturel. En Chine, c’est différent. Les gens ordinaires ont plus de chances de grimper dans l’échelle sociale. » Mais cette impression positive qu’a Artem vis-à-vis de la Chine n’est pas partagée par la plupart des Russes, qui voient toujours la Chine comme un pays pauvre.

 

Une fois, de retour en Russie pour rendre visite à ses proches, Artem a décrit à ses amis son expérience en Chine. Mais personne ne croyait ce qu’il racontait. « Je leur ai dit qu’à Shenzhen, les ouvriers dans les usines gagnent 3 000 yuans par mois, soit l’équivalent du salaire d’un professeur des écoles dans certaines villes russes. » Il a ainsi piqué leur curiosité. Puis, il a ajouté : « En Chine, il existe non seulement des géants internationaux comme Alibaba et Tencent, mais aussi des marques spécialisées dans les produits électroniques de grande consommation, comme MI et DJI. » Selon Artem, les entreprises russes de haute technologie ont le regard tourné vers la Silicon Valley américaine, mais elles devraient également tabler sur la Chine, qui, d’une part, applique des politiques favorables à la création d’entreprise, et d’autre part, présente un gigantesque marché de consommateurs.

 

Cependant, la rémunération des travailleurs à Shenzhen ou la réussite des entreprises technologiques chinoises n’étaient pas ce qui importait le plus aux amis d’Artem. Ces derniers étaient surtout impressionnés par la réussite d’Artem en Chine. Personne n’aurait parié dix ans plus tôt que ce garçon, qui avait soudainement choisi d’apprendre le chinois, deviendrait un patron en charge d’affaires internationales, gérant une page personnelle de réseau social, une société de conseil aux entreprises et une boutique de produits culturels. Artem a même rédigé des articles pour le journal chinois Global Times en tant qu’envoyé spécial de Perspective of Russia.

 

À dire vrai, ces grandes réalisations n’ont pu voir le jour qu’au prix de grands efforts face aux difficultés. Fin 2014, lorsque la crise financière a éclaté en Russie, sa société de conseil a subi un coup dur et les perspectives s’annonçaient obscures pour sa boutique sur Taobao. Il rappelle : « Je passe mes journées devant un écran d’ordinateur à gérer tout le travail derrière LAOWAI ME. »

 

Mais Artem préfère ne pas s’attarder sur les obstacles qu’il a rencontrés et insiste sur l’opportunité qui lui a été donnée en Chine, affirmant : « La Chine est le pays idéal pour les entrepreneurs. Quiconque a une idée prometteuse, croit en son projet et se montre compétent peut tout à fait établir son entreprise en Chine, même à partir de rien ! »
 

*LIU ZHUORAN est journaliste de Global E-businessmen.

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