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Les arguments fallacieux de l'Amérique sur la Chine (Stephen S. Roach)

2019-05-18 14:29:00 Source:French.xinhuanet.com Auteur:
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Stephen S. Roach, collaborateur émérite du Jackson Institute of Global Affairs de l'Université Yale et maître de conférence à la Yale's school of management, a publié récemment un article signé sur Project Syndicate, intitulé "Le Faux récit américain sur la Chine".

Il était auparavant président de Morgan Stanley Asia et économiste en chef de la compagnie.

Voici le texte intégral de l'article :

Les arguments fallacieux de l'Amérique sur la Chine

Dans un rare moment d'accord bipartite, les républicains et les démocrates américains se trouvent actuellement sur la même longueur d'onde sur une question clé : accuser la Chine pour tout ce qui afflige les Etats-Unis. Le dénigrement de la Chine n'a jamais eu autant d'attrait.

Cette fixation sur la Chine en tant que menace existentielle pour le précieux rêve américain a de graves conséquences. Elle a conduit à une surenchère de droits de douanes, à l'escalade des menaces à la sécurité, à des mises en garde contre une nouvelle guerre froide, et même à des rumeurs d'un affrontement militaire entre la puissance montante et l'actuelle puissance hégémonique mondiale.

Avec un traité commercial apparemment imminent, il est tentant de conclure que tout cela va passer. C'est peut-être un voeux pieux. La confiance sino-américaine est maintenant en lambeaux. La probabilité d'un accord superficiel n'y changera rien. Une nouvelle ère de suspicion mutuelle, de tension, et de conflits est une possibilité bien réelle.

Mais qu'adviendra-t-il si les beaux parleurs américains avaient tout faux et que le dénigrement de la Chine était plutôt une conséquence de problèmes intérieurs qu'une réponse à une véritable menace extérieure? En fait, il existe de bonnes raisons de croire qu'un Etat américain peu sûr, souffrant de déséquilibres macroéconomiques qu'il a lui-même créés et craignant les conséquences de son propre retrait du leadership mondial, a adopté des arguments fallacieux sur la Chine.

Considérons le commerce. En 2018, les Etats-Unis affichaient un déficit commercial de 419 milliards de dollars avec la Chine, soit 48% de l'énorme déficit commercial total de 879 milliards de dollars. C'est le point central du débat, responsable de ce que le président américain Donald Trump appelle le "carnage" des pertes d'emplois et des pressions salariales.

Mais ce que Trump- et la plupart des autres politiciens américains- ne veulent pas admettre, c'est que les Etats-Unis ont enregistré des déficits commerciaux avec 102 pays en 2018. Cela reflète un profond déficit d'épargne intérieure, dû en grande partie aux déficits budgétaires inconsidérés approuvés par qui d'autre que le Congrès et le Président. Il n'est pas tenu compte non plus des distorsions dans la chaîne d'approvisionnement -résultant d'intrants fabriqués dans d'autres pays mais assemblés et expédiés de Chine- qui, selon les estimations, surestimeraient de 35% à 40% le déséquilibre commercial entre les Etats-Unis et la Chine. Peu importe la macroéconomie de base et les nouvelles efficiences des plateformes de production mondiales qui profitent aux consommateurs américains. Apparemment, il est beaucoup plus facile de dénigrer la Chine en tant que principal obstacle au renouveau de la grandeur de l'Amérique.

Ensuite, considérons le vol de propriété intellectuelle. Il est désormais admis que la Chine vole chaque année des centaines de milliards de dollars de propriété intellectuelle aux Etats-Unis, ce qui en fait un enjeu de taille au coeur des prouesses novatrices de l'Amérique. Selon la source reconnue de cette revendication, la Commission de la propriété intellectuelle, en 2017, le vol de propriété intellectuelle a coûté entre 225 et 600 milliards de dollars à l'économie américaine.

Si l'on fait abstraction de l'éventail ridiculement large d'une telle estimation, les chiffres reposent sur des preuves fragiles tirées d'une "modélisation indirecte" douteuse qui tente de valoriser des secrets commerciaux volés via des activités néfastes telles que le trafic de stupéfiants, la corruption, la fraude au travail et les flux financiers illicites. La partie chinoise de ce vol présumé provient des données des Douanes américaines, qui ont déclaré des saisies d'un total de 1,35 milliard de dollars de marchandises contrefaites et piratées en 2015. Des modèles tout aussi douteux extrapolent cette somme minuscule dans une estimation globale pour les Etats-Unis et imputent 87% du total à la Chine (52% à la partie continentale et 35% à Hong Kong).

Et puis il y a la fausse piste soulignée dans le rapport au titre de la Section 301 publié par le Bureau du représentant américain au commerce (BRAC) en mars 2018, qui fournit la justification fondamentale des droits de douane prélevés sur la Chine : le transfert forcé des technologies entre les sociétés américaines et leurs partenaires de joint-ventures chinois. Le mot clé est "forcé", ce qui implique que les sociétés américaines innocentes qui concluent volontairement des accords contractuels avec leurs homologues chinoises sont contraintes de renoncer à leurs technologies brevetées afin de faire des affaires dans le pays.

Certes, les joint-ventures impliquent évidemment le partage des personnes, des stratégies commerciales, des plates-formes d'exploitation et des conceptions de produits. Mais l'accusation est la coercition, qui est inséparable de la présomption que les multinationales américaines les plus averties sont assez stupides pour remettre des technologies brevetées clés à leurs partenaires chinois.

C'est un autre exemple choquant de preuve contestable pour une accusation grave. Fait incroyable, le BRAC admet effectivement dans le rapport au titre de la Section 301 (à la page 19) qu'il n'y a aucune preuve tangible pour confirmer ces "pratiques implicites". Comme la Commission de la propriété intellectuelle, le BRAC s'appuie plutôt sur des enquêtes par procuration d'organisations commerciales telles que le Conseil du commerce américano-chinois, dont les sondés se plaignent d'un certain malaise quant au traitement par la Chine de leurs technologies.

Les arguments de Washington brossent également un tableau de la Chine en tant que monstre à planification centrale assis à califourchon sur d'énormes entreprises d'Etat qui bénéficient de prêts préférentiels, de subventions injustes et d'incitations liées à des politiques industrielles de premier plan telles que le "Fabriqué en Chine 2025" et "Intelligence artificielle 2030". Peu importe les nombreuses preuves qui soulignent la faible efficacité et le faible rendement caractéristiques des entreprises d'Etat chinoises.

Il ne fait aucun doute non plus que le Japon, l'Allemagne, la France et même les Etats-Unis pratiquent depuis longtemps des politiques industrielles comparables. En février, Trump a publié un décret présidentiel annonçant la création d'une initiative concernant l'Intelligence artificielle, accompagnée d'un cadre visant à élaborer un plan d'action sur l'Intelligence artificielle dans les 120 jours. La Chine n'est pas seule à élever l'innovation au rang de priorité politique nationale.

Enfin, il y a la question éculée de la manipulation de la monnaie chinoise -- la crainte que la Chine n'abaisse délibérément le renminbi afin d'obtenir un avantage concurrentiel injuste. Pourtant, depuis fin 2004, sa monnaie pondérée en fonction des échanges a augmenté de plus de 50% en termes réels. Et l'excédent jadis démesuré de la Chine a presque disparu. Néanmoins, les griefs monétaires d'antan demeurent, et occupent une place prépondérante dans les négociations en cours. Cela ne fait qu'aggraver les arguments fallacieux.

Dans l'ensemble, Washington s'est montré imprécis dans les faits, les analyses et les conclusions, et le public américain a été trop crédule dans son acceptation de ces faux arguments. Il ne s'agit pas de nier le rôle de la Chine dans l'exacerbation des tensions économiques avec les Etats-Unis, mais de souligner la nécessité d'objectivité et d'honnêteté dans l'attribution des responsabilités, surtout au regard des énormes enjeux du conflit actuel. Malheureusement , il est apparemment beaucoup plus facile de se focaliser sur des boucs émissaires que de se regarder longuement et sérieusement dans le miroir.

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