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La fête du Printemps au son des pétards

2018-02-01 11:30:00 Source:La Chine au présent Auteur:FRANÇOIS DUBÉ*
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Comme pour beaucoup d’étrangers ici, les souvenirs de ma première veille de la fête du Printemps, le Nouvel An chinois, resteront à jamais gravés dans ma mémoire. Ce fut une soirée mémorable à tout point de vue, mais particulièrement pour mes tympans, qui s’en ressentent encore.

 

Suivant les conseils de mes amis, je suis sorti peu de temps avant minuit me balader dans les rues de la ville où j’habitais alors, Harbin. Bravant la température glaciale, j’ai vite réalisé que je n’étais pas le seul à arpenter les rues. Alors que les douze coups n’avaient pas encore sonné, les Chinois par familles entières se hâtaient déjà hors de chez eux, préparant pétards, feux d’artifice et autres engins explosifs.

 

Des pêcheurs de Qingdao (Shandong) font claquer des pétards en sacrifice à la mer.

 

En quelques minutes, les rues ont été littéralement inondées de pétards, lancés depuis les fenêtres et les portes des immeubles. Leur crépitement se répercutait en échos entre les immeubles. Le ciel, d’habitude si calme et noir à cette heure, était illuminé par des centaines d’explosions multicolores surgissant de toutes parts. À cette pétarade assourdissante s’ajoutaient les alarmes des voitures stationnées là, déclenchées par les détonations. Ce n’est que plusieurs heures plus tard que ce spectacle son-lumière improvisé se calma, ne laissant que l’odeur âcre de la poudre dans l’air et des confettis sur le sol.

 

J’avais bien entendu parler de l’amour des Chinois pour les pétards et feux d’artifice, mais ce premier contact a largement dépassé mon imagination. En fait, pour tous les étrangers vivant en Chine, assister à un lancement de pétards et allumer soi-même la mèche sont des expériences culturelles très appréciées. Or, même les traditions les plus ancrées ne peuvent se soustraire aux changements. Afin de répondre aux exigences de la vie urbaine, de telles scènes, pourtant omniprésentes il y a quelques années à peine, pourraient bientôt être reléguées aux campagnes.

 

Le 17 janvier 2018, une employée de Fuyang (Anhui) fait

la démonstration des pétards électroniques.

 

Des débuts explosifs pour faire fuir le mal

 

Les pétards firent leur apparition pour la première fois en Chine il y a des milliers d’années, quand des villageois découvrirent que des tiges de bambou, une fois chauffées, explosaient. En effet, l’air emprisonné à l’intérieur de la tige gonfle sous l’effet de la chaleur, augmentant la pression et produisant une détonation lors de l’explosion du bambou. En guise d’hommage à cette origine lointaine, les pétards sont encore appelés baozhu aujourd’hui, ce qui signifie littéralement « bambou explosif ».

 

Plus tard, avec l’utilisation de plus en plus répandue de la poudre à canon, ce ne fut qu’une question de temps avant que l’on insère un peu de poudre à l’intérieur des tiges de bambou. Une fois chauffée, la poudre décuple la force de l’explosion, produisant une déflagration des plus impressionnantes. Durant la dynastie des Song (960-1279), le bambou fut graduellement remplacé par les tubes de papiers de couleur rouge que l’on voit encore aujourd’hui. C’est aussi à cette époque que la popularité des pétards s’étendit et qu’ils devinrent des outils cérémoniels servant à marquer les grandes occasions.

 

Mais pourquoi cette obsession pour le bruit et les explosions ? Cette tradition tire ses origines de légendes remontant à des temps immémoriaux. Leur utilité première était d’effrayer les mauvais esprits et les démons. Selon l’une de ces légendes, un monstre surnommé Nian avait la fâcheuse habitude de venir hanter les villages à la veille du Nouvel An chinois, détruisant les maisons et dévorant les villageois. Face à ce problème, les villageois mobilisèrent leur sagesse collective et découvrirent que Nian avait une peur bleue des détonations et de la couleur rouge. Ils se mirent dès lors à brûler des morceaux de bambou sec peinturés en rouge pour effrayer la bête et la tenir à distance.

 

Cette histoire s’inscrit dans un ensemble de croyances traditionnelles chinoises selon lequel le monde est habité par des forces d’énergie positive (shen, ou esprits bienveillants) et négative (gui, ou esprits malveillants). La pétarade et le bruit (comme les tambours) sont depuis longtemps conçus comme une façon de faire fuir ces derniers.

 

Si les pétards sont une tradition commune à tout le pays lors de la fête du Printemps, chaque région a aussi ses particularismes. Dans certains endroits, les pétards sont allumés lorsque la famille est réunie avant le souper du réveillon. On envoie ainsi un signal pour enjoindre les ancêtres de la famille à venir célébrer ensemble le Nouvel An. Dans d’autres endroits, c’est plutôt au coup de minuit que l’on allume les mèches. Le but est, comme dans la légende, d’éloigner les mauvais esprits de la maison pour l’année qui arrive. Certaines familles ont coutume de lancer des pétards le matin du premier jour de l’année lunaire, lorsque la famille ouvre pour la première fois la porte.

 

Aujourd’hui, en dehors de la période de la fête du Printemps, les pétards sont aussi utilisés lors des événements importants qui marquent la vie des Chinois. Ainsi, il est commun d’allumer des pétards lors de l’arrivée des nouveaux mariés à leur banquet de noces ou lors de l’ouverture d’un nouveau magasin ou d’une maison, ou même lors de l’achat d’une nouvelle voiture. Dans chaque cas, le but est de faire fuir les esprits malveillants et de régaler les invités d’une pétarade digne de ce nom. D’ailleurs, le nombre de pétards est parfois vu comme un signe de la prospérité des célébrants. Dans tous les cas, une fois les explosions terminées, il est coutume de laisser les morceaux de papier rouge traîner pendant une journée au moins, afin de ne pas « balayer » la bonne chance avec les rebus.

 

 

Une tradition en voie de disparition ?

 

Les traditions anciennes doivent s’adapter à un nouveau contexte et au mode de vie changeant de la population. Ces dernières années, aux prises avec des problèmes de pollution de l’air, plusieurs grandes villes chinoises ont imposé des limites aux pétards. De fait, la veille du Nouvel An chinois, des scènes telles que décrites plus haut sont de plus en plus rares.

 

En effet, les centaines de millions de pétards lancés à la fête du Printemps sont une source incontestable de pollution. La poudre peut rester en suspension dans l’air des villes plusieurs jours durant, faisant monter en flèche le niveau de pollution.

 

En 2016, Shanghai a interdit pour la première fois les pétards et autres feux d’artifice dans les limites de la ville. Pour ce faire, la municipalité a mobilisé 300 000 volontaires chargés de patrouiller les quartiers. Les contrevenants s’exposaient à des amendes pouvant monter jusqu’à 60 euros, assez pour décourager les plus ardents fêtards. À Beijing, le gouvernement municipal a plutôt opté pour des limites comme des périmètres de contrôle, des tranches horaires de lancement et une plus courte durée des ventes. Une interdiction sera également décrétée en cas de niveau de smog élevé. À l’échelle du pays, selon les données du ministère de la Sécurité publique datant de 2015, 138 villes interdisaient les feux d’artifice et les pétards, alors que 536 imposaient différentes limites.

 

*FRANÇOIS DUBé est un journaliste canadien basé à Beijing.

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