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Galettes suédoises et lait de soja

2018-12-03 15:28:00 Source:La Chine au présent Auteur:Verena Menzel
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—— en Chine, le marché des denrées alimentaires importées reflète la croissance du pays

 

 

Jambon de la péninsule ibérique : l’Espagne était aussi représentée lors de la CIIE à Shanghai.

 

Verena Menzel, membre de la rédaction

 

« L’homme est ce qu’il mange». Cette citation du philosophe allemand Ludwig Feuerbach (1804–1872) n’a jamais autant semblé d’actualité, alors qu’on constate dans de nombreux pays occidentaux développés un véritable culte pour l’alimentation saine et l’exercice physique. Une tendance qui reflète en fait la richesse de ces pays.

 

En Chine, pays réputé pour sa culture culinaire, le regard s’attarde aussi dans les assiettes, ou plutôt dans les bols de riz, pour essayer de sonder l’âme du peuple et de mieux comprendre le développement de la deuxième puissance économique du monde. L’évolution des habitudes alimentaires des Chinois est également révélatrice de la percée fulgurante du pays depuis la mise en place la réforme et l’ouverture il y a 40 ans.

 

Depuis un certain temps, les rayons des supermarchés et les étagères des réfrigérateurs se ressemblent de plus en plus à travers le monde. Et la première Exposition internationale d’importation de Chine (CIIE) qui s’est tenue du 5 au 10 novembre à Shanghai n’a fait que le confirmer. En effet, outre les dernières nouveautés high tech, l’exposition présentait la crème de la crème du secteur de l’industrie alimentaire. Deux des huit halls d’exposition principaux du rez-de-chaussée du Centre national d’exposition et des congrès de Shanghai étaient occupés jusqu’au dernier mètre carré par des entreprises alimentaires étrangères en tous genres.

 

Rien d’étonnant si l’on en croit les statistiques des douanes, car depuis plusieurs années, la demande des consommateurs chinois en produits alimentaires importés ne cesse d’augmenter. Rien que l’année dernière, la Chine a importé 58,3 milliards de dollars de produits alimentaires, soit 25 % de plus que l’année précédente. Selon les données officielles, le taux de croissance annuel moyen ces cinq dernières années s’est élevé à 5,7 %.

 

Or dans le secteur alimentaire, le premier fournisseur de la Chine reste l’Union européenne, suivie des États-Unis, de la Nouvelle-Zélande, de l’Indonésie et du Canada. Selon la Chambre du commerce chinoise, les produits importés d’Europe sont principalement le fromage, les produits laitiers, les crèmes glacées ainsi que les aliments pour bébés, mais aussi l’huile d’olive, les pâtes et les sauces pour les pâtes ainsi que les boissons alcoolisées telles que la bière et le vin, les biscuits et les snacks industriels, et enfin le café, la viande surgelée et les fruits de mer.

 

« Le fait que la Chine consomme de plus en plus de denrées alimentaires provenant de l’étranger reflète en fin de compte la richesse croissante du pays qui induit de nouvelles exigences chez les consommateurs chinois », affirme Phillip Chilton, directeur des activités internationales de Nestlé Waters China. La multinationale suisse Nestlé, qui se classait à la 64e position du Fortune Global 500 en 2017, occupait un large stand à la CIIE. Depuis plus de 20 ans, l’entreprise commercialise en Chine, entre autres produits, ses boissons célèbres dans le monde entier : Perrier et San Pellegrino. Au départ, elle s’appuyait sur un partenaire commercial basé à Hong Kong et depuis fin 2016, elle exporte directement vers la partie continentale.

 

La multinationale et ses salariés ont donc pu suivre de près les changements qui ont transformé le marché de l’alimentation chinois ces dernières années. M. Chilton raconte : « Au début, notre objectif pour la Chine se limitait à essayer d’égaler le volume de ventes de boissons enregistré à Hong Kong. » Or les ventes n’ont cessé d’augmenter. « Nous avons commencé par dépasser Hong Kong, puis la Corée du Sud et finalement, même le Japon », raconte cet Américain qui vit et travaille à Shanghai depuis 5 ans. Aujourd’hui, la Chine est devenue le 4e plus gros marché de Perrier après les États-Unis, la France et le Canada.

 

La richesse va de paire avec de nouvelles habitudes

 

Le succès de Perrier sur le marché chinois est d’autant plus étonnant que traditionnellement, les Chinois ne boivent pas d’eau pétillante, voire même pas d’eau froide. Au début, l’eau pétillante n’était distribuée que dans les hôtels et restaurants de luxe ou dans quelques supermarchés haut de gamme, et elle était principalement consommée par les étrangers.

 

Aujourd’hui, les choses ont bien changé : les célèbres bouteilles vertes sont désormais distribuées dans tous les commerces de proximité du pays. Et pour Chilton, la récente percée de la marque est une conséquence de la croissance fulgurante de la Chine.

 

« D’une part, les Chinois se sont enrichis. Aujourd’hui, il y a en Chine une catégorie de population aisée à revenu moyen. D’autre part, les gens accordent une plus grande importance à ce qu’ils mangent. La Chine a atteint un stade de développement où les gens possèdent une maison et une voiture et, où ils peuvent tout à coup s’intéresser à d’autres choses, par exemple aux voyages ou à l’éducation, mais aussi au sport et à la santé, à laquelle la qualité de l’alimentation est liée. » Ainsi, de plus en plus de gens délaissent les boissons sucrées pour se tourner vers des alternatives plus saines.

 

Pas si simple, pourtant, de s’implanter dans un pays, où les habitudes alimentaires de la population sont encore profondément différentes des habitudes occidentales. « Ce qui nous a certainement facilité la tâche pour toucher la clientèle chinoise, c’est que les boissons Perrier se déclinent sur différents arômes. Notre eau minérale est ainsi perçue comme un nouveau type de boisson qui peut constituer une alternative plus saine au Coca Cola et autres sodas. Cela rend notre produit beaucoup plus attractif à la clientèle chinoise », explique le Shanghaïen d’adoption. En Chine, la multinationale réalise presque la moitié de son chiffre d’affaires grâce aux boissons gazeuses aromatisées, en particulier celles aux agrumes.

 

Des produits de niche investissent aussi le marché

 

De nombreuses autres entreprises européennes du secteur alimentaire profitent également de cette tendance croissante vers une alimentation plus saine que l’on observe au sein de la classe moyenne chinoise, qui, selon des estimations inclurait à l’heure actuelle plus de 400 millions de personnes, et qui devrait inclure 700 millions d’habitants d’ici 2025. L’entreprise de produits laitiers Arla en fait partie.

 

Selon Bob den Hartog, directeur du département International Key Accounts & New Customers / China de cette entreprise danoise implantée en Chine depuis dix ans, la plus grande partie du chiffre d’affaires réalisé en Chine provient des ventes d’aliments pour nourrissons et de laits stérilisés. Il explique que l’entreprise a souhaité saisir l’opportunité de la CIIE à Shanghai pour présenter son lait biologique avec un nouveau packaging. « Nous sommes le premier producteur de lait biologique au monde et le marché chinois représente pour nous un immense potentiel. » À l’heure actuelle, l’entreprise laitière vend chaque année plus de 100 millions de litres de lait en Chine.

 

Cet immense potentiel séduit même des entreprises dont les produits sont, à première vue, peu adaptés à la clientèle chinoise. C’est le cas, par exemple, du groupe suédois Lantmännen qui était représenté à l’exposition, notamment par sa marque de galettes aux graines FinnCrisp. Pourtant, traditionnellement, les palais chinois sont plutôt habitués à la texture moelleuse des mantou, petits pains cuits à la vapeur, ou des baozi, petits pains fourrés.

 

« En Chine, nos galettes au seigle restent pour l’instant des produits de niche qui ciblent les passionnés de fitness », reconnaît Ouyang Jiaqian, directrice des ventes pour l’Asie de l’entreprise Lantmännen. « Il faudra sûrement encore quelques années avant que les galettes scandinaves soient appréciées par un nombre conséquent de consommateurs chinois », ajoute-t-elle. Et cela nécessitera un peu d’éducation culinaire interculturelle.

 

« En Europe, les galettes scandinaves sont rarement mangées natures. Les consommateurs les garnissent généralement de fromage ou de saumon. En Chine, les familles n’ont pas forcément du fromage, du beurre ou de la confiture dans leur réfrigérateur. En plus d’expliquer aux clients comment les Européens consomment ces biscottes, nous leur proposons de nouvelles façons de les consommer qui sont plus adaptées à la culture culinaire chinoise, par exemple, les tremper dans du lait de soja », explique la représentante chinoise de la marque.

 

L’entreprise suédoise mise en outre sur de nouvelles variantes de leurs produits destinées exclusivement au marché chinois. Elle commercialise ainsi en Chine des galettes à la carotte et à la betterave. Par ailleurs, la consistance des galettes a été retravaillée pour obtenir un produit un peu moins croquant et plus aérien.

 

« Enfin, en ce qui concerne l’alimentation, les Chinois sont très ouverts aux nouvelles expériences et aux nouvelles saveurs », explique Hein Raijmakers, directeur marketing de l’entreprise de produits laitiers FrieslandCampina. Bien que le préjugé selon lequel les Chinois n’aimeraient pas les produits fromagers soit toujours largement répandu en Occident, le fabricant néerlandais enregistre depuis plusieurs années un chiffre d’affaires croissant sur ses produits fromagers. « Certes, la majeure partie de notre chiffre d’affaire provient encore de nos produits doux et de nos fromages pour enfants, mais contrairement à ce que l’on pourrait croire, notre gamme pour la Chine comprend aussi des produits plus forts en goût », explique le Néerlandais.

 

Quand l’alimentation nourrit le dialogue culturel

 

Selon Charles Arthur Smith, ambassadeur pour l’Asie du Sud-Est de la marque de thé Twinings, en achetant des produits importés, les consommateurs chinois cherchent à introduire un peu d’exotisme dans leurs caddies.

 

En exposant ses produits à la CIIE, Twinings souhaitait aussi contribuer aux échanges culturels culinaires. Sur son stand de l’exposition de Shanghai, l’entreprise a donné chaque jour plusieurs présentations pour faire découvrir aux visiteurs l’étiquette du thé à l’anglaise. « Il y a en Chine un véritable intérêt pour le mode de vie occidental », affirme Smith.

 

Pour Season Wu, directrice de l’entreprise Guangzhou Nice Trading, Co. Ltd., une autre raison permet aussi d’expliquer l’augmentation du nombre de produits alimentaires importés dans les sacs de course des Chinois : avec l’ouverture progressive du pays, les Chinois voyagent de plus en plus à l’étranger où ils se retrouvent directement en contact avec les produits locaux et les habitudes alimentaires étrangères. La CIIE était aux yeux de cette entrepreneuse la plate-forme idéale pour présenter en Chine un grand classique au rayon des gourmandises allemandes : la pâte d’amandes. Pour cela, son entreprise de Guangzhou a conclu un contrat avec la marque Niederegger basée à Lübeck. « Sur l’exposition, de nombreuses personnes qui connaissent déjà cette friandise pour avoir fait un séjour en Allemagne sont venues visiter notre stand », raconte l’entrepreneuse.

 

Certes, de nombreux Chinois n’ont encore jamais entendu parler de cette gourmandise au goût d’amande très prononcé, pourtant, avec les échanges qui s’intensifient entre les deux pays, il serait probablement beaucoup plus facile de commercialiser cette spécialité allemande en Chine aujourd’hui qu’il y a dix ans. Autrefois, cette entreprise du nord de l’Allemagne avait déjà tenté de mettre un pied sur le marché chinois, mais sans succès. Aujourd’hui, Mme Wu considère que le marché chinois est prêt pour de nouvelles gourmandises raffinées.
 
 
Grâce à des relations commerciales plus étroites, plus de produits étrangers
trouvent le chemin vers les consommateurs chinois. (PHOTOS : YU XIANGJUN) 

 

De meilleures infrastructures et des procédures simplifiées

 

Aujourd’hui, les nouveaux canaux de distribution générés par l’ère de l’Internet jouent largement en faveur des entreprises alimentaires étrangères en Chine. « Si nos chiffres de ventes ne cessent d’augmenter, c’est en grande partie grâce au développement de l’e-commerce en Chine, » affirme Wong Yuzheng, directeur général de l’entreprise Twinings. « La vente en ligne et l’amélioration des infrastructures dans le centre et l’ouest de la Chine nous permettent d’atteindre des régions plus éloignées alors que nous devions autrefois nous cantonner aux principales métropoles que sont Shanghai, Beijing et Guangzhou », explique l’entrepreneur.

 

Le gouvernement chinois met tout en œuvre pour faciliter l’entrée des denrées alimentaires importées sur le marché chinois. Afin d’accélérer le transport – critère déterminant dans le secteur alimentaire en raison des durées de conservation limitées – de nombreux bureaux de douane ont mis en place des « canaux verts » dédiés aux denrées alimentaires importées et ont considérablement simplifié les procédures d’importation.

 

Phillip Chilton du groupe Nestlé déclare : « Autrefois, la procédure de dédouanement de nos produits, certificat d’hygiène compris, prenait un mois. Aujourd’hui, à Shanghai, cette procédure ne dure plus que 72 heures, c’est vraiment impressionnant. En tant qu’entreprise, nous reconnaissons qu’en Chine, les choses vont vraiment dans le bon sens. »

 

Le 1er juillet dernier, le gouvernement chinois a émis un nouveau signal très positif en faveur de l’ouverture du marché en réduisant considérablement, une fois de plus, les droits de douane sur les biens de consommation et les voitures afin de stimuler les importations. Les tarifs douaniers de 1 449 biens de consommation taxés, parmi lesquels certaines denrées alimentaires et boissons, sont passés de 15,7 % à 6,9 %.

 

« Rien que cette année, les droits de douane sur l’eau ont baissé à deux reprises. En janvier 2018, ils sont passés de 20 à 15 %, et le 1er juillet, ils ont encore baissé de 5 % », explique M. Chilton.

 

Tout cela devrait permettre aux Chinois de voir encore plus de diversité dans leurs assiettes et aux multinationales du secteur de l’alimentation de faire de bonnes affaires. Quant à l’Exposition internationale d’importation de Shanghai, elle pourrait bien devenir un rendez-vous majeur à l’agenda de nombreuses entreprises alimentaires.

 

Et Bob den Hartog de l’entreprise Arla de conclure : «  La CIIE s’est avérée une exposition très bien organisée et très professionnelle qui nous offre à nous, en tant qu’entreprise étrangère, une belle opportunité d’entrer en contact avec de nouveaux clients. » Rendez-vous l’année prochaine. 
 
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