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Voyage au Xinjiang 1--L’enseignement bilingue à Kuqa

2019-12-13 14:45:00 Source:La Chine au présent Auteur:SONIA BRESSELER
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Par où commencer ? Par la caresse mordante du soleil en plein été au Xinjiang ? Par l’incompréhension de la situation géographique de cette région chinoise ? Le Xinjiang incarne l’Asie centrale. Et comme tel, bien qu’il soit majoritairement une région ouïgoure, près de sept millions, il est composé aussi d’une multitude d’ethnies : les Kazakhs, Mongols, Kirghizes, Hui, Tadjiks, Daur, Xibe, Tatars, Mandchous, Ouzbeks. Au cours de mon voyage, je suis allée à la rencontre des Ouïgours, en parcourant la Route de la Soie (Nord et Sud).

Appréhender les cartes du Xinjiang c’est facile, c’est simple tout ressemble à des déserts, des couleurs chaudes, des distances improbables, des points qui ressemblent à des villes ou plutôt à des villages. Avant d’arriver dans le district de Kuqa, il faut passer par la ville de Korla, capitale du département autonome mongole de Bayingolin. Même si nous ne sommes pas restés très longtemps. Il faut s’attarder ici. Un instant. Elle surprend par son niveau de vie, par ses constantes métamorphoses. Les autochtones sont des Dzoungars (Kalmouks), qui sont à peu près 4 %. Leur nom signifie littéralement « main gauche ». Ils sont appelés ainsi car ils représentent les Mongols occidentaux par opposition aux Mongols orientaux.

Leur nom fait référence aux tribus mongoles (parmi les tribus Oïrats) qui formèrent la Dzoungarie, région située entre les monts Altay et Tianshan. Aujourd’hui, Korla est encore cet étonnant carrefour. Tout passe par elle, le chemin de fer, les routes entre Ürümqi, Kashgar et Lanzhou… Elle palpite de toute cette vie, la ville vibre de tous ces passages, de ces multiples directions. Le Kongqe, fleuve né des monts Tianshan, traverse le cœur de la ville… Son nom signifie « Eaux abondantes » en ouïgour, il apporte la douceur en été, et apaise les voyageurs. Kuqa, quant à lui, est un lieu surprenant. Après avoir passé les montagnes nées des déserts, la route continue, il semble une perspective infinie de l’espace. Il faut s’y arrêter tant il incarne un savant équilibre entre le passé et le futur. Entre les savoirs et les religions. Il s’agit à la fois d’une ville ancienne et en plein développement, à partir de là on peut se rendre à Hotan et à Kashgar.

Ancienne cité-État florissante, Qiuci (son ancien nom) était un centre bouddhique majeur. Sous la dynastie des Tang (618-907), elle était recommandée pour sa musique et ses danseurs. C’est dans cette cité que naquit Kumarajiva (344-413). Fils d’un Indien et d’une princesse locale, il fut le premier grand traducteur de sutras bouddhiques du sanskrit au chinois. Au VIIe siècle, le moine Xuanzang en visite à la ville voisine de Subashi notait que deux énormes statues du Bouddha, hautes de 30 m, gardaient la porte ouest de Kuqa. Découvrir cela, c’est comme avoir la possibilité de pénétrer l’histoire des idées et des religions autrement. À nouveau pour comprendre ce lieu, il faut s’attarder, il faut comprendre ses habitants. Passer du temps avec eux. La première question qui me vient est celle de l’éducation. Comment, à cet endroit précis, conçoit-on l’éducation ? Géographiquement loin de Beijing et proche de l’Asie centrale, qu’est-ce qui prime dans l’éducation ? Dans une région agricole, qu’est-ce qui domine ? Comment donner le goût de l’éducation, à la culture ?

 

Le bilinguisme à l’école, un lien entre les générations

Ayiguli Turdi est directrice d’une école maternelle bilingue. Elle est fière de nous montrer son école, riche de mille couleurs. Les cris des enfants résonnent. Tout est en ordre, ils jouent, ils apprennent, les mots fusent à toute vitesse dans tous les sens, dans toutes les langues. C’est un bel endroit. Elle tient absolument à nous montrer les lieux, à voir les espaces réservés aux enseignants, aux salles, etc.

  « Notre école a été construite en 2009 et mise en service en septembre 2010. On compte 180 enfants et 13 enseignants. Il y a des enfants ouïgours, mais aussi des enfants han. Nous avons cinq classes. La superficie de l’école est de 1 100 m2 avec un grand espace vert. Toutes les classes sont équipées d’instruments d’enseignement, de jouets et d’instruments de musique, entre autres. »

Avant de partir, je me souviens d’avoir lu quelques chiffres publiés par l’agence de presse Xinhua.

« De 2011 à 2015, le Xinjiang a construit 2 500 nouveaux jardins d’enfants bilingues dans les zones rurales, ce qui porte le taux de pénétration de l'éducation préscolaire de la région à 77 %, soit 480 000 préscolaires, selon les chiffres officiels. » 

Pour moi ce sont des chiffres vertigineux qui montrent toute l’importance de l’éducation en Chine. Ils soulignent aussi les efforts entrepris par le gouvernement pour ne laisser personne sur le chemin du progrès. Depuis les années 1990, le gouvernement a mis en place l’éducation bilingue (soit le mandarin et l’ouïgour). Ayiguli Turdi finit par accepter de répondre à mes questions. Derrière sa timidité se cache une femme forte, une femme qui aime son métier. Elle a l’énergie de porter les couleurs de sa région. Elle a commencé à enseigner à l’école primaire en 2015. Avant cela, elle avait suivi une formation en éducation préscolaire à l’École normale du département autonome mongol de Bayingolin. Cela fait huit ans qu’elle travaille au sein de l’éducation.

« Quand notre école a été créée, l’enseignement bilingue n’a pas attiré une telle attention. Si les parents mettaient leurs enfants à la maternelle, c’est seulement parce qu’ils n’avaient pas de temps de s’en occuper. Leur but était juste de faire veiller sur leurs enfants. Après avoir appris le mandarin, de plus en plus d’enfants ont su parler couramment. Ils étaient excellents dans les écoles primaires. Parfois, certains enfants étaient en mesure de servir d’interprète pour leurs parents quand ils les accompagnaient pour faire des achats, par exemple. En voyant cela, maintenant, les parents soutiennent beaucoup l’enseignement bilingue dans notre école. »

 

Vers une meilleure éducation

« Chaque mois, notre école organise des rencontres avec les parents. Lors de ces rencontres, nous leur présentons des exemples d’enfants de notre maternelle qui ont réussi dans les écoles primaires. Donc, les parents sont très enthousiastes. En été, beaucoup de parents viennent s’informer sur la rentrée scolaire. Le gouvernement nous donne des subventions pour les repas des enfants. Pour chaque enfant, on a 1 000 yuans pour la nourriture, et 500 yuans pour les frais de fonctionnement. Les enfants sont pris en charge gratuitement à l’école. Ils prennent deux repas à l’école tous les jours. Le matin, on prépare des collations pour eux, comme des fruits et du lait. Donc, les parents adorent notre maternelle. En plus de la vie, les enfants peuvent apprendre beaucoup de choses ici », confie Ayiguli Turdi.

Quand nous lui demandons de s’attarder sur les changements par rapport au passé, Ayiguli Turdi sourit. Sans doute ma question peut-elle sembler naïve. Mais pour des yeux occidentaux, nous avons du mal à nous repérer. Pour nous l’éducation est une habitude, une évidence. Nous ne nous posons plus la question de savoir si un enfant peut ou non aller à l’école. Notre système n’est pas le meilleur évidemment, il est même certainement à repenser. C’est pour cela que cet échange est pour moi essentiel.

« Avant, il n’y avait pas d’école maternelle en milieu rural. Les enfants devaient se rendre directement à l’école primaire. Moi, par exemple, je n’ai pas connu d’école maternelle. Et quand je faisais mes études primaires, nous n’avions que des tables et des chaises délabrées, très laides. Aujourd’hui, voyez, ces petites tables et chaises pour les enfants, elles sont magnifiques. Elles sont recommandées par le gouvernement. Avant, on ne trouvait des maternelles qu’en ville. Surtout, elles étaient payantes. Désormais, chaque village a sa maternelle. Tout est gratuit », raconte-t-elle. 

Et d’ajouter : « Notre maternelle s’occupe des enfants de cinq à six ans venant de trois villages. Mais elle n’est pas assez grande pour répondre à la demande de la population locale. Nous n’avons que cinq classes, et donc la liste d’attente est longue. Alors, nous avons déposé une demande au Bureau de l’éducation pour porter le nombre des classes à neuf. À chaque rentrée en septembre, les parents viennent en grand nombre demander l’inscription de leurs enfants. Ils pensent que l’enseignement bilingue est utile pour les études primaires. En ce qui concerne l’enseignement bilingue, nous sommes de plus en plus expérimentés. Nous continuons de travailler en ce sens pour développer de nouvelles pédagogies aux enfants. »


Sonia Bresseler est philosophe et épistémologue française. 

Extraits du livre Xinjiang, les mille & une merveilles de la Route de la Soie de Sonia Bresseler.

 



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