Cet épisode du ballon peut se résumer comme suit : un ballon chinois a été détecté dans l’espace aérien près des îles Aléoutiennes en Alaska le 28 janvier, mais ce n’est que le 1er février, lorsqu’il a traversé le Canada et est rentré dans l’espace aérien américain, qu’il a attiré l’attention et a été considéré comme une violation de la souveraineté américaine. L’opposition républicaine a également profité de l’occasion pour lancer une attaque politique contre les démocrates au pouvoir, exigeant du président Joe Biden qu’il adopte une position ferme à l’égard de la Chine. Finalement, le ballon a été abattu au large des côtes de la Caroline du Sud par un avion de chasse F-22 le 4 février.
Les jours suivants, les tensions causées par ce ballon se sont intensifiées. Le 12 février, l’armée américaine a de nouveau envoyé des avions de chasse pour abattre un « ovni » au-dessus du lac Huron, près de la frontière canadienne. Il s’agit de la quatrième opération de ce type menée par l’armée américaine depuis le 4 février. Jusque-là, la Maison-Blanche n’a pas été en mesure de comprendre la nature de ces objets, et n’a pas expliqué la nécessité de les abattre d’urgence. Des circonstances qui n’ont pour autant pas empêché le battage médiatique excessif sur les « ballons espions » et la « menace chinoise ». Alors que le déversement de chlorure de vinyle, un cancérigène de classe A, dans l’Ohio ne faisait déjà pas couler beaucoup d’encre, les médias américains ont été distraits par les ballons, faisant passer le déversement de produit toxique à la trappe.
La Chine a expliqué à plusieurs reprises que c’était un dirigeable civil utilisé à des fins de recherches météorologiques. « Affecté par les vents d’ouest et doté d’une capacité d’autoguidage limitée, le dirigeable a dévié de sa trajectoire et a dérivé involontairement dans l’espace aérien américain », a déclaré le ministère chinois des Affaires étrangères. Cependant, très peu d’Américains semblaient prêts à croire l’explication de la Chine, même si elle semblait raisonnable. En effet, la Chine n’a pas besoin d’utiliser un ballon de surveillance si facilement détectable et aussi peu pratique, surtout à un moment aussi sensible pour les relations entre la Chine et les États-Unis.
Si le ballon appartenait au Royaume-Uni, au Japon ou à tout autre pays allié des États-Unis, ils n’y auraient certainement pas prêté autant d’attention. C’est simplement parce que le ballon provenait de Chine, un pays qu’ils considèrent comme un concurrent stratégique à long terme, qu’un tapage médiatique a été déclenché. Les États-Unis voient le ballon chinois comme une menace majeure pour leur sécurité, qu’il vole dans l’espace aérien américain, intentionnellement ou non.
Cela nous amène à la question de savoir quelle serait la cause profonde de la dégradation des relations sino-américaines : les États-Unis, par souci de garder leur hégémonie, peuvent considérer toute action de la Chine comme une atteinte potentielle à leur puissance.
L’anxiété autour de l’épisode du ballon n’est pas un cas isolé. Il n’y a pas si longtemps, une usine de transformation de maïs à Grand Forks, dans le Dakota du Nord, a été considérée comme une menace majeure pour la sécurité nationale des États-Unis après des investissements chinois, car l’usine se trouvait à environ 24 km d’une base de l’armée de l’air américaine. Les entreprises chinoises qui participent à la construction d’infrastructures 5G aux États-Unis sont soupçonnées de voler les données personnelles de leurs abonnés américains. Les scientifiques et les étudiants chinois qui sont aux États-Unis pour des échanges ou leurs études sont soupçonnés de voler des technologies avancées. Même la très populaire application TikTok, développée par l’entreprise chinoise ByteDance, a été qualifiée de « contenu électronique empoisonnant la jeunesse américaine et collectant trop de données d’utilisateurs ». Ces idées, qui pourraient apparaître absurdes auprès des Chinois, existent pourtant bel et bien chez les Américains.
Alors que deux ballons chinois erraient dans le ciel de l’Amérique du Nord et de l’Amérique latine début février, information confirmée par le ministère chinois des Affaires étrangères, les cinémas chinois projetaient le film de science-fiction Terre errante II. Tout comme le premier épisode de 2019, ce deuxième épisode raconte l’histoire d’un futur proche où le Soleil s’éteint et où la population doit s’échapper du système solaire, en emportant la Terre avec eux, et trouver un nouveau foyer pour l’humanité.
C’est donc en référence au film que le dirigeable à la dérive est devenu une tendance sur les réseaux sociaux chinois, et qu’il a été surnommé « le ballon errant » sur un mème qui a fait le tour de la toile. Les internautes ne se gênent pas pour transformer les photos du ballon en affiche de cinéma.
En tant que première puissance mondiale, les États-Unis devraient peut-être se préoccuper un peu plus de l’avenir de l’humanité, plutôt que de laisser des incidents involontaires éclater.
*LIANG XIAO est journaliste à Beijing Information.
