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Rester calme

2019-07-03 12:10:00 Source:La Chine au présent Auteur:YUAN YUAN
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YUAN YUAN*

Alors que la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis s’intensifie, le géant chinois Huawei Technologies Co., premier fournisseur mondial d’équipements de réseaux de télécommunications, fait les gros titres suite à l’interdiction de ses produits sur le marché américain et à la rupture imposée de ses différents partenariats commerciaux.

 

Lors d’une interview exclusive avec la Télévision centrale de Chine (CCTV) le 21 mai, Ren Zhengfei, fondateur et PDG de Huawei, n’a pas montré d’inquiétude face aux défis qui se posent à son entreprise. « Il y a plus d’une décennie, lorsque nous nous sommes fixé l’objectif de devenir une grande entreprise, nous savions qu’une telle situation serait inévitable, a-t-il affirmé. Tôt ou tard, de tels affrontements finissent toujours par survenir. »

 

À la question de savoir si Huawei se trouve actuellement dans la situation la plus difficile qu’il ait connue, M. Ren a répondu qu’en réalité, c’est tout l’inverse. « Huawei est devenu un géant. Avant toutes ces interdictions et ruptures de partenariats, nous passions notre temps coincés dans des réunions interminables et des présentations PowerPoint qui n’avaient aucun sens, a confié M. Ren. Maintenant, nous sommes fermement unis par une volonté commune de faire face à ces difficultés. Je dirais que nous sommes au meilleur de notre forme. »

 

Des attaques à répétition

 

Avant 2019, M. Ren apparaissait rarement dans les médias. Selon les comptes de CCTV, il aurait accepté moins de dix interviews depuis la création de Huawei en 1987, il y a 31 ans. Mais depuis janvier, M. Ren est devenu une véritable figure médiatique. Le 15 janvier, il a accepté une interview de groupe avec des journalistes étrangers et deux jours plus tard, il a accordé une interview exclusive à l’émission « Face to Face » sur CCTV.

 

« Le département des relations publiques de notre société a insisté pour que je le fasse, a exprimé M. Ren. Ils m’ont dit qu’il était de ma responsabilité, en tant que PDG, de faire une apparition dans les médias et d’expliquer au public ce qui se passait réellement, car de nombreuses rumeurs avaient été propagées. »

 

Plus tôt, en décembre 2018, la fille de M. Ren, Meng Wanzhou, qui assume la fonction de directrice financière de Huawei, avait été arrêtée par les autorités canadiennes sur la demande des autorités américaines pour présomption de vol d’information. Début 2019, le département américain de la Justice avait accusé Huawei de vol de technologies et de violation de certaines sanctions commerciales, entre autres.

 

Le 15 mai, le président américain Donald Trump a signé un décret interdisant la vente d’équipements Huawei aux États-Unis, en déclarant l’ « urgence nationale ». Le même jour, le département américain du Commerce a inscrit Huawei sur la « liste des entités » nécessitant une autorisation spéciale pour acheter des technologies et des composants américains, lui interdisant de se fournir auprès d’entreprises américaines sans l’approbation préalable du gouvernement américain.

 

Cette décision a poussé Huawei à placer HiSilicon au premier plan. Fondée en 2004, HiSilicon, filiale de Huawei spécialisée dans les jeux de puces, est restée discrète alors qu’elle se concentrait sur le développement de ses propres puces. « Aujourd’hui, il est temps que nous nous démarquions », a écrit He Tingbo, directeur de HiSilicon, dans une lettre ouverte publiée le 17 mai.

 

« Nous savions qu’un jour nous serions confrontés à nos concurrents américains et que nous ne pourrions pas dépendre éternellement de puces importées », a révélé M. Ren au cours d’une interview avec CCTV, le 21 mai dernier. « Nous avons donc établi cette entreprise pour avoir une sécurité et nous avons investi de grosses sommes d’argent pour créer nos propres puces. Nous ne connaîtrons pas de grosses pénuries d’approvisionnement, car nous sommes bien préparés. »

 

Dans le même temps, les employés de l’entreprise font des heures supplémentaires pour faire face à la situation. « Les difficultés actuelles peuvent amener la Chine à développer son industrie électronique de façon très terre-à-terre », a souligné M. Ren.

 

Dans un communiqué daté du 16 mai, Huawei a déclaré que la décision du département américain du Commerce n’était dans l’intérêt d’aucune des parties et qu’elle causerait un préjudice économique important aux entreprises américaines avec lesquelles Huawei entretient des relations commerciales. Joe Kelly, porte-parole de Huawei, a fait remarquer que sur les 70 milliards de dollars dépensés par Huawei en composants et autres fournitures l’année dernière, 11 milliards ont été versés à des entreprises américaines. « Cela affectera des dizaines de milliers d’emplois américains », a déclaré M. Kelly.

 

« Nous exhortons les États-Unis à mettre fin à ces pratiques injustes et à créer les conditions favorables à une coopération normale entre les entreprises des deux pays », a déclaré le 16 mai Gao Feng, porte-parole du ministère chinois du Commerce.

 

Le 20 mai, suite à l’interdiction, les actions de Qualcomm, Infineon, Intel et Alphabet, société mère de Google, ont toutes chuté. Le même jour, le département américain du Commerce a annoncé qu’il accorderait une licence de 90 jours pour les transactions nécessaires à la gestion et à la prise en charge des réseaux et combinés mobiles existants. Mais selon M. Ren, ce délai n’a plus d’importance pour Huawei.

 

Cependant, sur l’ordre du gouvernement américain, les sociétés américaines ont dû passer à l’action. Google a annoncé qu’il couperait à Huawei l’accès à de nombreux services logiciels et matériels Android, notamment Gmail, Google Maps et les futures versions des systèmes d’exploitation Android, entre autres.

 

Certains partenaires européens ont suivi. L’Europe est actuellement le second plus grand marché de Huawei après la Chine. Huawei a connu une expansion extraordinaire à ses débuts grâce à la vente d’équipements à des opérateurs de téléphonie mobile, captant plus du quart du marché des smartphones sur le continent. Dans des pays comme la Grèce, le Portugal et l’Espagne, Huawei arrive en tête des ventes.

 

Au Royaume-Uni, après la décision de Google de priver Huawei de ses services, deux des plus grands réseaux de téléphonie mobile de l’entreprise chinoise, EE et Vodafone, ont annoncé qu’ils cesseraient de proposer des téléphones Huawei aux clients de la 5G, bien que Huawei soit l’une des marques de téléphones mobiles les plus populaires du pays. Certaines sources ont indiqué qu’ARM, un fabricant de puces électroniques basé au Royaume-Uni, a également suspendu ses activités avec Huawei.

 

Au Japon, les trois plus grands opérateurs téléphoniques ont déclaré qu’ils retarderaient la date de lancement prévue d’une nouvelle série de smartphones.

 

Cependant, M. Ren a affirmé que Google et les autres entreprises américaines n’étaient pas responsables d’une telle situation, puisqu’elles sont contraintes d’obéir aux lois nationales. « Elles nous ont beaucoup appris et grâce à elles, nous avons développé de formidables produits, a reconnu M. Ren. À l’heure actuelle, nous sommes en pourparlers avec elles afin de trouver une solution. Nous apprécions vraiment leur soutien. Les seuls coupables sont les hommes politiques qui sont à l’origine de cette situation. »

 

Ren Zhengfei, fondateur et PDG de Huawei, lors d’une conférence de presse à Shenzhen, dans le Guangdong, le 18 janvier 2019

 

Une tension de plus en plus forte

 

Ce n’est pas la première fois que les États-Unis et certains autres pays occidentaux mettent des bâtons dans les roues de Huawei, sous prétexte de la « sécurité nationale ». En 2007, l’administration George W. Bush avait mis en garde contre la participation de Huawei au rachat de 3Com, un fabricant d’électronique numérique, en raison de « ses liens obscurs avec l’armée et les services de renseignement chinois », sans fournir la moindre preuve à ces allégations.

 

En 2012, l’examen conduit pendant 18 mois sur Huawei à la demande de la Maison Blanche a conclu qu’il n’existait « aucune preuve d’espionnage de la part de Huawei ». La même année, l’Australie a interdit à Huawei l’accès à son réseau national à large bande, avançant des « questions de sécurité », avant de prétendre que l’entreprise Huawei était impliquée dans une guerre cybernétique. Alexander Downer, président du Conseil d’administration de Huawei en Australie, a déclaré à l’époque que si l’entreprise Huawei était mêlée à cette cyber-guerre, c’était uniquement au motif qu’il s’agit d’une société chinoise.

 

En 2016, le Comité parlementaire du renseignement et de la sécurité du Royaume-Uni a terminé la revue de l’ensemble du code source de Huawei et est parvenu à la conclusion suivante : « aucun élément ne prouve que Huawei a représenté un risque pour la sécurité nationale du Royaume-Uni ». La même année, Duo Labs, une équipe de recherche en sécurité avancée, a accordé à Huawei la note « remarquable » dans le domaine des correctifs de sécurité, 77 % de ses téléphones étant équipés des derniers correctifs, contre 15 % pour Samsung à la même époque. Selon l’étude menée par Duo Labs, son code n’avait rien de malveillant et ses téléphones étaient remarquablement sécurisés.

 

En 2018, le gouvernement américain a principalement bloqué un accord entre Huawei et AT&T, avançant une fois encore des « questions de sécurité ».

 

« Je ne sais pas pour quelles raisons les États-Unis agissent de la sorte, mais je pense que cela n’a pas d’importance si nous n’exerçons pas nos activités sur le marché américain pour le moment, puisque de toute façon, nous n’avons jamais vraiment pu nous implanter sur ce marché, a analysé M. Ren au cours d’une interview au Time, le 23 mai dernier. Quant à savoir si nous pouvons ou non entrer sur le marché américain, cela n’a pas d’importance pour nous. Nous n’avons pas désespérément besoin du marché américain. »

 

ZTE, un autre fournisseur chinois d’équipements de télécommunications, a été confronté à une situation similaire en 2016. Le département américain du Commerce l’a en effet ajouté à sa « liste des entités » sous prétexte que ce fournisseur « avait violé les sanctions imposées par les États-Unis en vendant à l’Iran de produits fabriqués aux États-Unis ».

 

M. Trump est ensuite revenu sur cette décision, mais ZTE a dû payer une amende d’un milliard de dollars et accepter d’être placé sous la surveillance du département américain du Commerce.

 

« Nous ne changerons pas notre gestion à la demande des États-Unis, ni n’accepterons d’être surveillé comme ZTE l’avait été à l’époque », a déclaré M. Ren, ajoutant que Huawei n’avait pas un rôle crucial à jouer dans les négociations Chine-États-Unis. Ainsi, les politiciens américains font fausse route en croyant obtenir un effet de levier.

 

En mars, Huawei a poursuivi en justice le gouvernement américain en vertu d’un article de son National Defense Authorization Act 2019 interdisant aux agences fédérales et à leurs prestataires d’utiliser les équipements ou les services de Huawei. Huawei a affirmé au cours du procès que condamner une personne ou un groupe à une peine sans procès équitable était contraire à la Constitution américaine.

 

« Cette interdiction est non seulement illégale, mais elle empêche par ailleurs Huawei de se livrer à une concurrence loyale », a signalé Guo Ping, président suppléant de Huawei, lors d’une conférence de presse qui s’est tenue après le dépôt de la plainte.

 

Le 29 mai, Huawei a déposé une requête en jugement sommaire dans le but d’accélérer son procès.

 

Dans une autre provocation, Huawei a déclaré à Reuters le 24 mai que deux de ses colis envoyés du Japon vers la Chine via FedEx avaient été détournés vers les États-Unis et que deux autres colis envoyés par le même transporteur du Vietnam vers d’autres bureaux de Huawei en Asie avaient également été détournés.

 

Huawei a fourni des images des enregistrements de suivi de FedEx et a déclaré qu’il n’avait pas donné l’autorisation à la société de livraison de rediriger ses itinéraires. Le porte-parole de FedEx, Maury Donahue, a fait savoir par la suite à Reuters qu’ils n’avaient pas reçu de consigne de rediriger les colis et que ceux-ci avaient été « mal acheminés par erreur ».

 

Le 29 mai, le média chinois spécialisé dans les technologies QbitAI a annoncé que l’Institut des ingénieurs électriciens et électroniciens (IEEE), la plus grande organisation technique professionnelle au monde, avait décidé d’interdire aux employés de Huawei la révision d’articles en tant que pairs évaluateurs. Cela a suscité de vives critiques de la part des internautes chinois.

 

Zhang Haixia, professeure à l’université de Beijing, membre de l’IEEE depuis 20 ans, a décidé de se retirer du Comité de rédaction après avoir appris la nouvelle.

 

Elle a déclaré à China Daily que, selon elle, l’IEEE avait pris sa décision en raison de pressions externes ou de raisons politiques. « Je n’accepterai pas de tels agissements et j’ai décidé de quitter le Comité de rédaction de l’IEEE jusqu’à ce qu’il retrouve son intégrité professionnelle », a écrit Mme Zhang dans une lettre ouverte le 29 mai.

 

De belles perspectives

 

Dans son entretien avec Time, M. Ren a indiqué que la 5G n’était qu’un outil et qu’il n’avait rien de politique. « Ce n’est pas comme si les politiciens pouvaient tracer une ligne pour créer deux versions, a formulé M. Ren. Je pense que la 5G a adopté un ensemble de normes unifiées. S’il n’y a pas d’interconnectivité pour les technologies 5G, le coût sera beaucoup plus élevé. »

 

Selon lui, le développement de la 5G de Huawei ne sera absolument pas affecté. En ce qui concerne les technologies 5G, il faudra encore probablement deux ou trois ans avant que les autres ne rattrapent leur retard.

 

Quant au patriotisme généré par les tensions entre Huawei et le gouvernement américain, M. Ren a déclaré que pour les Chinois, être patriote ne veut pas dire aimer Huawei, et soutenir Huawei ne signifie pas acheter des téléphones Huawei. « Les affaires sont les affaires. Il n’est pas nécessaire de prêter autant d’attention à Huawei. La meilleure façon d’être patriote, c’est de travailler dur dans son propre domaine », a affirmé M. Ren.

 

Au cours de son interview avec CCTV, M. Ren a également rappelé l’importance de l’éducation élémentaire. « La montée en puissance de Huawei est basée sur le développement de la technologie et sur un groupe de spécialistes des hautes technologies venus du monde. Une éducation élémentaire adéquate est la condition essentielle du développement d’un pays. »

 

Pour M. Ren, 75 ans, un pays qui offre une éducation de base solide a toutes les chances de voir naître de grandes entreprises. Le monde va connaître des changements fondamentaux dans les 20 à 30 prochaines années, a-t-il prédit. Ce qui s’est passé avec Huawei aujourd’hui n’est qu’un épisode dans ce grand processus de transformation.

 

*YUAN YUAN est journaliste de Beijing Information.

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