Représenter le génie fondamental de la culture chinoise

TANG YUANKAI

Représenter le génie fondamental de la culture chinoise
À trois mois des JO, Zhang Yimou entretient le suspense sur le programme de la cérémonie d’ouverture.
«Je ne peux vraiment rien vous dire concernant la cérémonie d’ouverture », déclare le réalisateur de cinéma Zhang Yimou, avec le sourire. En ce moment, Zhang a le titre « officiel » de premier directeur des cérémonies d’ouverture et de fermeture des Jeux olympiques de Beijing qui se tiendront en août prochain. Cependant, de manière plus large, depuis la première fois qu’il s’est fait remarquer comme membre de la « cinquième génération » de réa-lisateurs chinois, vers la fin des années 1980, il est probablement le plus connu des réalisateurs du pays. Il a récolté de nombreux prix au niveau mondial, dont le Grand Prix du jury à Cannes, pour Vivre (1994), de même que le Lion d’Or au Festival du film de Venise, pour Qiu Ju, une femme chinoise (1992) et pour Pas un de moins (1999). Plus récemment, Hero (2002), le Secret des poignards volants (2004) et Curse of the Golden Flower (2006) ont tous été des succès au guichet, tant en Chine qu’à l’étranger.
Zhang a des décennies d’expérience, mais la cérémonie d’ouverture est fort probablement le plus grand défi qu’il ait jamais eu à relever et celle de ses réalisations qui a la plus grande portée publique. La version définitive de l’événement a été approuvée il y a quelques mois par le comité d’organisation des XXIXe Jeux (acronyme anglais, BOCOG) et par le Comité international olympique (CIO).
« Nous ne pouvons révéler aucun détail, car nous avons signé un accord de confidentialité, explique-t-il, mais je peux vous dire que la cérémonie commencera à 20 h et se terminera à 23 h 30, et que le spectacle artistique durera environ 90 min. Nous garantissons également la qualité de chaque minute », déclare-t-il, avec conviction.
Ainsi, il semble bien qu’avant 20 h le 8 août 2008, le monde ne saura pas ce qu’on lui réserve pour cette cérémonie. Toutefois, vu que le grand jour approche, il est facile d’imaginer que les hypothèses pullulent concernant son contenu.
Un « festin » pour les étrangers
C’est une tâche colossale de satisfaire chacune des millions de personnes qui vont regarder la cérémonie d’ouverture. « Si le public ne peut pas immédiatement décoder ne serait-ce qu’un seul des éléments du spectacle visuel, cela signifie que nous avons raté une occasion, déclare Zhang Yimou, d’un ton grave. Évidemment, c’est un défi énorme! », ajoute-t-il. Le premier objectif de Zhang est de s’assurer que les étrangers comprennent l’imagerie et le symbolisme que le spectacle présente. « Un bon hôte devrait préparer des plats qui correspondent aux goûts des invités, confie Wang Chaoge (une collaboratrice de longue date de Zhang et qui coopère avec lui dans la préparation de cet événement). Nous offrirons de la “cuisine chinoise” qui est adaptée aux palais étrangers. »
C’est depuis 2001 – au moment où il a tourné un court-métrage pour la candidature de Beijing aux Olympiques de 2008 – que Zhang nourrit l’ambition de diriger la cérémonie d’ouverture de ces Jeux. Parallèlement à sa carrière de cinéaste, Zhang a été à la barre de plusieurs productions scéniques en Chine, notamment le ballet Épouses et Concubines. Il a également dirigé plusieurs spectacles chinois de grande envergure donnés en plein air. En 1999, la Cité interdite de Beijing a servi de décor pour sa production de l’opéra épique Turandot de Puccini. Enfin, mis en scène en 2003 à Yangshuo (Chine du Sud), dans le décor naturel des montagnes et d’une rivière, son spectacle Impression de Liu Sanjie était encore plus ambitieux. D’après Zhang, ces productions ont été des périodes « d’échauffement » pour son mandat actuel.
« Parce que c’était un grand spectacle en plein air, beaucoup de nos réalisations d’Impression de Liu Sanjie ont été des “références utiles” pour la cérémonie d’ouverture, confie Zhang. Comme ce spectacle, la cérémonie utilisera un décor réel dans lequel elle sera présentée – en l’occurrence, le nouveau Stade national, connu sous le nom de Nid d’oiseau. » Le concept très médiatisé des « Jeux olympiques verts » pourra également être utilisé pour permettre un dialogue entre l’humanité et la nature.
Dans un effort pour accroître le langage visuel universel de la cérémonie, Zhang Yimou a passé un an à rassembler des photos de sourires d’enfants de partout dans le monde. Ces photos, dit-il, « seront utilisées dans les cérémonies d’ouverture et de fermeture. » Pour lui, le sourire d’un enfant transcende les frontières raciales ou nationales, car il représente une émotion humaine courante pour les gens de partout dans le monde. « Nous devons trouver une forme d’expression humaine simple, mais centrale », croit-il, en mettant également l’accent sur la nécessité de créer des moments mémorables durables. « Nous espérons fournir aux médias étrangers de nombreuses scènes à prendre en photos. » De la même manière qu’une cérémonie d’ouverture remarquable est essentielle à des Jeux olympiques véritablement couronnés de succès, le moment où on allume la flamme olympique est la clé d’une cérémonie d’ouverture mémorable. Zhang espère que la montée finale de la flamme constituera le moment « le plus inoubliable».
Inviter Confucius
Partie centrale de tous les Jeux olympiques, la cérémonie d’ouverture reflète l’esprit olympique de paix, d’unité et d’amitié. Cet esprit est particulièrement manifeste dans le slogan des Jeux de Beijing : Un monde, un rêve. La cérémonie doit également, de manière claire, présenter la culture nationale et les coutumes locales du pays d’accueil. Sur ce point, Zhang Yimou a demandé l’avis du Pr Ji Xianlin, 97 ans, un maître dans la culture nationale chinoise et l’un des conseillers du BOCOG en matière d’art. De manière énigmatique, le maître a proposé à Zhang « d’inviter » Confucius à la cérémonie d’ouverture. Le maître a suggéré à Zhang qu’il le fasse d’une manière subtile.
En 490 av. J.-C., alors que le soldat grec Phidippides courait vers Athènes sur la plaine de Marathon pour livrer le message de la victoire après une bataille contre les Perses, Confucius (alors âgé de 62 ans) proclamait, dans la Chine antique, que : « L’harmonie est la chose la plus précieuse. » « J’espère que tous les Humains vont rechercher l’harmonie, déclare le Pr Ji, quand nous le ferons, le monde sera plus paisible. » Que Confucius fasse ou non une « apparition » à la cérémonie en tant que partie essentielle de la culture chinoise traditionnelle, sa présence symbolique semble inévitable.
Quoi qu’il en soit, il y a des gens qui critiquent ce qu’ils considèrent être une présentation superficielle de la culture chinoise dans les spectacles modernes. La manière d’introduire des milliers d’années d’histoire en les combinant avec le visage moderne de la Chine demeure une question très débattue. À la cérémonie de fermeture des Jeux olympiques d’Athènes en 2004, le film de 8 min de Zhang Yimou présentait des lanternes rouges, l’opéra de Pékin et des Chinoises en mini-jupes qui jouaient de la musique sur des instruments traditionnels. Cette présentation avait été vertement critiquée par certains commentateurs chinois. Selon eux, elle avait pour effet de réduire la culture antique à un ensemble de lieux communs superficiels.
« La culture chinoise demeure encore un mystère pour la majorité des gens. Pour qu’elle se grave mieux dans la conscience mondiale, nous devons tenter d’y greffer des choses nouvelles », dit M. Sun Jianjun, président de Pegasus & Taihe Entertainment International, une société qui a répondu à un appel d’offres pour prendre en charge les aspects techniques de la cérémonie d’ouverture. Lors des préparatifs , les gens concernés de la compagnie ont visionné les vidéos de nombreux événements de grande envergure qui ont eu lieu pendant la dernière décennie en Chine. Ils en ont analysé la structure et le contenu et ont étudié la technologie qui avait été utilisée. « Les critères d’analyse que nous avons employés devaient répondre aux éléments suivants : premièrement, la faisabilité technique; deuxièmement, pour les symboles culturels utilisés, leur capacité à toucher les gens; et troisièmement, la mise en valeur de la culture chinoise par la présentation et sa capacité à susciter l’émotion. » Leur conclusion a été la suivante : la Chine ne souffrait d’aucun manque de moyens techniques, mais elle doit maintenant intégrer avec succès la présentation de la culture chinoise et la technologie contemporaine.
M. Yu Qiuyu, célèbre chercheur sur la culture et conseiller pour les Jeux olympiques spéciaux de 2007 à Shanghai, approuve les opinions de M. Sun. « Les symboles esthétiques de la civilisation chinoise que nous présentons habituellement au monde sont les vestiges d’une période en déclin qui ne représentent pas le génie fondamental de la culture chinoise. » Yu croit également que ces symboles ne représentent la Chine que de la manière la plus superficielle, ce qui alimente le désir de la communauté internationale pour la nouveauté et indique une direction, mais ne traduit pas la substance de l’esthétique, de l’art et de la philosophie de la Chine.
Wang Chaoge rejette ces critiques et défend le travail de Zhang Yimou à Athènes. « Nous sélectionnerons méticuleusement les divers éléments chinois et dévoilerons l’essence de la culture chinoise au monde », affirme-t-elle avec confiance. « Athènes, ajoute-t-elle, a laissé une impression profonde aux gens. » En août, tous les yeux seront tournés vers Beijing pour voir ce que Zhang Yimou livrera.

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